Appelez-moi M. Cardinal

«J’en ai encore la larme à l’œil», confie Robert Cardinal, ancien maire de Vanier. Il s’agit d’une parole parmi tant d’autres émises lors de son entretien avec L’Actuel révélant cette blessure difficile à cicatriser. La fusion de Vanier à la Ville de Québec constitue pour Robert Cardinal une pilule difficile à avaler. Celui qui demandait à ses citoyens de l’appeler M. Cardinal plutôt que M. le Maire, prépare un livre intitulé Une blessure qui ne veut pas guérir.

Depuis 2010, Robert Cardinal s’est retiré de toute activité politique, tirant ainsi sa révérence. La maladie de Parkinson a contribué à ce retrait et l’a même forcé à passer de longs séjours à l’hôpital au cours des dernières années. Cette retraite, il aurait voulu la repousser le plus loin possible ou à tout le moins qu’elle soit différente. «Je ne regrette pas, mais je ne pensais pas que ça se terminerait comme ça», confie celui que les fonctionnaires surnommaient à son insu «le train» en raison de son côté fonceur.

Le travail, le nouveau retraité en a abattu au cours de sa vie. Tout jeune, le fils du forgeron et propriétaire de l’épicerie a donné un coup de main à ses parents. Il livrait des commandes d’épicerie à bicyclette ou en traîneau. L’été, c’était en vendant notamment des liqueurs aux Remous des hirondelles, long de la plage ouest de la rivière Saint-Charles, sur le boulevard portant maintenant le nom Père-Lelièvre. «J’ai toujours aimé ce que j’ai fait. Travailler, c’est normal. Je trouve ça tellement dur présentement», laisse tomber celui qui a été le dernier maire de cette Ville et dont le parc industriel Cardinal a été nommé en l’honneur de sa famille.

Vanier, l’ancien maire, âgé aujourd’hui de 72 ans, l’a tatouée au cœur. Cependant, le tatouage semble avoir meurtri l’organe central depuis que la Ville a été greffée à Québec en 2001. Sa ville, il l’a tenu à bout de bras pendant près d’une quarantaine d’années, une cinquantaine en additionnant la participation de son père Louis Cardinal. «Quand tu embarques en politique, ce n’est pas pour le salaire, c’est pour la satisfaction du devoir accompli», précise-t-il.

À l’époque en 1972, il est entré en politique comme conseiller municipal, remplaçant ainsi son défunt père, avec une idée bien précise en tête: développer sa ville. Anciennement appelée Québec-Ouest et regroupant deux paroisses, Saint-Eugène et Notre-Dame-de-la-Recouvrance, elle était sous tutelle en raison de difficultés financières. Les mains et les poings liés, le maire et l’équipe des conseillers avaient peu de moyens à leur disposition. Une montagne que le cabinet a pu surmonter.

La fusion a rouvert une plaie créée à travers les difficultés vécues lors de la gestion de la Ville alors que les élus avaient rendu l’administration autonome financièrement. «J’ai rué dans les brancards après 31 ans de service. Si ça avait été fait démocratiquement, je l’aurais accepté», confie l’homme né au 463, rue Cardinal. Puis, 63% de la population a voté en faveur d’une défusion lors du référendum, un appui jugé insuffisant par le gouvernement du Québec. Ses craintes de ne pas être capable d’administrer la ville sans les taxes perçues des parcs industriels l’ont amené à ne pas faire une campagne massive en faveur de la défusion.

«Moi, je me suis considéré comme battu. Ma ville était rendue riche, donc devenue intéressante pour Québec», soutient l’ancien politicien. L’après-fusion a été une période très sombre. L’homme s’est fait très discret. Lorsqu’il regarde du côté de L’Ancienne-Lorette aujourd’hui, il constate que le maire, Émile Loranger, est victime de la situation. «Les revenus ne suffisent plus», analyse-t-il. Quant à l’administration Labeaume, son bilan est positif. «Si vous me demandez comment je trouve l’administration de la Ville de Québec, je trouve ça pas si mal. Régis Labeaume fait du beau travail.»

Une blessure qui ne veut pas guérir

«Mon père et moi avons tellement travaillé», ajoute Robert Cardinal. Son plus beau souvenir et du même coup, sa plus belle fierté sont d’avoir sorti Vanier de son marasme économique. Puisque selon lui les Vaniérois ne connaissent pas l’histoire de leur ville, le maire élu par acclamation durant quatre mandats consécutifs, en plus de ses quatre mandats de conseiller, s’est mis à l’écriture depuis quelques années. Il projette de publier un livre relatant l’histoire de Vanier, mais aussi sa peine. Intitulé Une blessure qui ne veut pas guérir, le recueil ne refera pas l’histoire, mais qui sait peut-être soignera-t-il de vilaines plaies encore souffrantes.

Ils ont travaillé avec M. Cardinal

«M.Cardinal a été le premier maire avec qui j’ai travaillé comme élu, et ce de 1995 à 2001. Comme premier magistrat, il était un homme extrêmement proche de ses citoyens et à l’écoute de ceux-ci. Il a toujours eu un grand respect envers eux. C’est quand même extraordinaire de voir qu’il a été élu à la mairie par acclamation, donc personne contre lui. Je suis content d’avoir eu la chance de travailler avec lui. Je suis aussi très fier que le parc industriel Cardinal marque la présence de cette famille qui a mis 50 ans de sa vie, aux besoins des gens de Vanier.» – signé Richard Côté, conseiller municipal du district de Vanier, vice-président du comité exécutif de la Ville de Québec et un bon ami.

«M. Cardinal pour moi, c’est un visionnaire, un développeur, un homme très humain et proche des organismes. Sa motivation était de faire en sorte que Vanier se distingue et que ses citoyens soient fiers de résider à Vanier. Il a vraiment développé ce sentiment-là d’appartenance. Il a fait croître le centre industriel et le développement résidentiel surtout dans le nord. C’est un homme qui avait une soif d’apprendre.» -Nicole B. Morency, ancienne conseillère municipale à la Ville de Vanier.

L’Actuel, membre du Groupe Québec Hebdo

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