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Séminaire Saint-François vs Brébeuf: 25 ans d’une intense rivalité

Phase de jeu. (Photo Métro Média – Jean Carrier) Photo:

Jean Carrier est journaliste chez Métro Média, mais il a occupé préalablement les fonctions de responsable du basketball à l’Académie Saint-Louis en plus d’avoir entraîné au Séminaire Saint-François. Il agit également comme analyste du basketball Rouge et Or et c’est à titre d’expert de ce sport qu’il écrit ici.

Mercredi soir 12 février, tout semble calme sur la scène sportive de la région de Québec. Faux, dans près de 30 minutes le Blizzard du Séminaire Saint-François rendra visite à ses plus grands rivaux de la ligue juvénile division 1: les Aquilons de l’école secondaire Jean-de-Brébeuf.  Deux des trois programmes majeurs de basketball de la région de Québec (Rochebelle est le troisième) croiseront le fer pour bien plus que les deux points disponibles au classement.

L’entre-deux qui ouvre les hostilités. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Voilà maintenant un quart de siècle que les deux formations se disputent le droit de se proclamer vainqueur de cette intense rivalité. À l’approche du même gymnase que j’ai foulé il y a 25 ans, je ressens de la fébrilité. Mon travail de journaliste m’incombe de demeurer neutre, mais mon cœur m’indique rapidement que mon travail de journaliste prendra le bord l’instant de deux heures alors que je souhaite ardemment assister à une victoire de mon alma mater dans un endroit hostile où il a toujours été difficile de triompher.

Historique

Cette tradition a commencé dans la saison 1994-1995 de la ligue de basketball autrefois appelée juvénile AAA. Brébeuf venait d’intégrer la ligue alors que le Blizzard avait une saison de faite dans le circuit provincial. Pour des raisons socio-économiques évidentes, les deux équipes ne se sont pas aimées dès le début. Brébeuf est une école publique provenant d’un milieu défavorisé alors que le SSF est une école privée provenant d’un milieu aisé. Si on ajoute le fait que les deux écoles allaient jouer deux fois par saison l’une contre l’autre et que le vainqueur allait de facto pouvoir se proclamer la meilleure de la région, les bases de cette rivalité explosive étaient bien en place.

Brébeuf en a profité pour honorer ses joueurs finissants. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Douloureux souvenirs

Je me souviens très bien du premier duel. J’étais sur le terrain. S’il y a un point commun qui existait entre les deux équipes, il était facile à trouver. Tout le monde se détestait. Une seule chose comptait, la victoire. L’ambiance dans le gymnase du Centre de formation professionnelle Limoilou était électrique. Il n’y avait pas la moindre petite place de disponible pour les spectateurs. En se frayant un chemin sur le terrain pour l’échauffement, plusieurs insultes étaient dirigées à notre endroit. Pour demeurer dans la décence, je ne dévoilerai pas la teneur des injures qui ne devraient assurément pas être dirigées à l’intention d’athlètes de 15 et 16 ans.

Une fois le ballon en jeu, l’intensité était palpable à chaque possession. Chaque joueur se dédiait corps et âme pour faire les sacrifices qui feraient pencher le résultat en faveur de son équipe.

Andy-Beril Mounkala Mbemba a joué une solide rencontre pour les visiteurs. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Les officiels en charge de la rencontre avaient accepté une mission impossible: arbitrer une partie en toute neutralité en tentant de ne pas trop intervenir ou influencer la partie entre deux organisations où la haine était palpable. Le résultat fut un match où très peu de sifflets furent entendus et où les coups frisant la légalité abondaient des deux côtés. Bref, une ambiance aux antipodes des valeurs du sport étudiant régnait pour la naissance de cette rivalité. Quelques saisons plus tard (1999), plusieurs débordements déplorables étaient survenus lors d’un match qui força les deux organisations à se regarder dans le miroir.

Je me souviens également du résultat alors que Brébeuf avait eu raison de notre formation par un pointage serré. Ça fait encore mal d’y penser, je préfère refouler le résultat au fond de ma mémoire…

Tout a changé

Les deux formations sont prêtes, le match devrait être âprement disputé même si le meilleur joueur de chaque formation manque à l’appel. Il y a presque 15 ans que je n’ai pas assisté à ce grand rendez-vous. Je suis immédiatement frappé par l’ambiance qui règne dans le gymnase. On peut déjà observer que l’ambiance intimidante a faite place à une atmosphère beaucoup plus respectueuse entre les deux équipes. Martin Thibault, grand manitou du programme de Brébeuf et probablement la seule personne à avoir regardé  tous les matchs entre les deux formations, m’indique que j’ai raison. «La haine n’est plus présente, ce n’est plus comme dans ton temps. C’est un peu moins intense, les joueurs se connaissent et plusieurs jouent ensemble durant l’été dans les formations étoilées du Québec, mais ça ne veut pas dire qu’on s’aime pour autant», précise-t-il en riant.

La période d’échauffement est toujours propice à quelques dunks. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Brébeuf impose le rythme en début de match avec une pression imposée sur tout le terrain. Je suis frappé par la vitesse d’exécution des deux équipes. Tout est tellement rapide. Tous les joueurs sont habiles avec le ballon et même les grands joueurs lancent bien le ballon de la ligne du trois points. Oubliez l’importance de chaque possession alors que chaque équipe lance régulièrement avec 15 secondes à faire au cadran du 24 secondes.

Le jeu de transition va à une vitesse hallucinante. Les joueurs sont tellement plus explosifs que l’on était à l’époque, s’en est presque risible. Impulsion, agilité, vitesse, manipulation du ballon, vitesse de réaction et la touche du ballon près des paniers est spectaculaire. Il n’y a pas un joueur qui n’est pas capable de se créer un lancer raisonnable en situation un contre un.

Ils sont également tellement plus forts mentalement. Ils sont toujours concentrés sur le prochain jeu et ne se démoralisent presque jamais avec un mauvais lancé ou une mauvaise décision d’un officiel ou un mauvais jeu d’un coéquipier. Les entraîneurs sont aussi beaucoup plus solides. Rien n’est laissé au hasard. Les sorties de ballon, les changements de défensive, l’identification des meilleurs lanceurs en périmètre, il y a un travail de préparation visible sur le terrain.

Les tambours se sont faits entendre tout au long de la rencontre. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Le vent change rapidement de côté au deuxième quart alors que le SSF s’impose outrageusement aux rebonds pour prendre une avance de quelques points à la demie.

Rien n’a changé

Si la férocité de la rivalité a un peu diminué, je suis content de constater qu’il y a des choses qui ne changeront jamais. À la seconde que je débarque dans le gymnase, la musique hip-hop se fait entendre à plein régime. Bien sûr, nous sommes très loin des «Jump Around» ou de la musique de NWA, mais y’a rien comme du bon «beat» pour une période d’échauffement alors que la foule s’exclame sur les dunks des meilleurs joueurs.

Même si la foule n’est pas en aussi grand nombre qu’au tout premier rendez-vous entre les deux formations, il y a tout de même plusieurs partisans présents qui font du bruit pour encourager les siens. La différence est qu’ils encouragent leur favori plutôt que dénigrer les adversaires.

L’effort des joueurs est optimal. Il n’y a pas un pouce du terrain qui n’est pas contesté. Chaque percée au panier est difficile et les ballons libres sont disputés avec acharnement.

Le joueur de secondaire quatre,Omar Migues, a démontré un talent offensif indéniable pour Brébeuf. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Le SSF profite d’un excellent troisième quart pour se forger une avance de 15 points.

Brébeuf a toujours été réputé comme une équipe très combative spécialement à la maison et je sais que le match est loin d’être dans le sac pour les visiteurs.

Bilan

Jérémie Jovan est visiblement déçu du résultat de la rencontre. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

Comme prévu, Brébeuf crée plusieurs revirements et reviennent peu à peu dans la rencontre. Ils sont maintenant à huit petits points des Rouges avec la possession du ballon et quelques minutes à faire au match, mais sur un jeu tournant de la rencontre le SSF vole le ballon en défensive et marque en transition. Ils feront ensuite le boulot face à la pression de l’équipe hôtesse pour s’éloigner pour de bon. La partie se termine 88-79 en faveur du Blizzard. Je vois immédiatement une nouvelle chose qui ne change pas, la déception sur les visages des perdants. Elle n’est pas aussi intense qu’il y a 25 ans, mais cette défaite fait mal, il n’y a aucun doute là-dessus. Si l’agonie de la défaite est présente, l’exaltation de la victoire l’est également. Les sourires sont automatiques chez les joueurs du SSF, les entraîneurs et les supporteurs de l’équipe.

Avec du recul, je vois maintenant que cette rivalité a évolué pour le mieux. Le climat de respect qui existe maintenant entre les deux organisations laisse place au dialogue alors que les deux entraîneurs-chefs discutent, après la rencontre, d’un incident mineur qui est arrivé en deuxième demie. Il ne fait aucun doute que la victoire est encore importante, mais elle ne se fait pas à tout prix. Des joueurs qui donnent tout pendant 40 minutes avec un désir constant de s’améliorer. Voilà ce qui devrait meubler les rivalités scolaires sportives au Québec.

On peut sentir les valeurs du sport étudiant qui en font facilement l’une des plus belles rivalités sportives de la région de Québec. J’imagine facilement cette rivalité au sud de la frontière qui ferait facilement les délices de l’univers médiatique.  Cependant, je ne me berce pas d’illusions,  la place du basketball scolaire dans les médias traditionnels québécois condamne cette rivalité à rester le secret le mieux gardé de la région de Québec. Voilà ma petite contribution à la faire connaître.

Le deuxième chapitre de cette grande rivalité se déroulera le 10 mars à 20h00, au Séminaire Saint-François.

La traditionnelle poignée de main. (Photo Métro Média – Jean Carrier)
L’entraîneur-chef de Brébeuf, Simon Fontaine, tente d’influencer une décision de l’officiel.
L’entraîneur-chef du Blizzard, David Levasseur, lors d’un temps d’arrêt en fin de rencontre. (Photo Métro Média – Jean Carrier)
Il fut un temps où il était plus difficile de communiquer au banc de l’équipe visiteuse. (Photo Métro Média – Jean Carrier)
Le marquage était très serré encore une fois entre les deux formations rivales. (Photo Métro Média – Jean Carrier)

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