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Agriculture urbaine à Québec: la Ville doit retourner à sa planche à dessin

Avec son projet de plan d’action en agriculture urbaine, Québec se révèle piètre élève dans la classe des villes branchées sur les tendances mondiales en cette matière. Des villes toutes proches y font cependant bonne figure, comme Victoriaville, Longueuil, Saint-Bruno-de-Montarville et Gatineau.

Qu’en est-il au juste?

Après des échanges préliminaires avec des groupes ciblés, une consultation publique (en ligne) s’achève sur une proposition de plan d’action articulée autour de cette prémisse: «La Ville de Québec place l’alimentation de proximité, saine et durable, au cœur de la qualité de vie des citoyens».

Notre premier constat: étonnamment, le plan d’action ignore totalement l’existence de la zone agricole!

Avec 12% de la superficie totale du territoire municipal, elle constitue pourtant une base de développement économique notable pour approvisionner la population en aliments locaux et répondre à la demande d’espaces pour diverses initiatives (incubateur d’entreprises agricoles, projets d’économie sociale, etc.). Environ 400 hectares de riches terres partiellement inexploitées sont même situés près du coeur de la cité. C’est un miracle que ces terres subsistent encore: la Ville voulait les transformer en quartiers résidentiels mais le gouvernement québécois s’y est opposé.

L’orientation proposée est franchement incompréhensible.

Serait-ce l’écho d’une opinion émise en juin 2012 par le maire de Québec? «L’agriculture, ça ne se fait pas en ville», propos tenus lors de l’annonce officielle du Plan métropolitain d’aménagement et de développement de la Communauté métropolitaine de Québec. M. Labeaume en est le président.

En 2015, la Ville adoptait un document de vision des activités agricoles et agroalimentaires: Québec y était présentée surtout comme une vitrine pour les produits de la région de la Capitale-nationale. Le plan d’action découle de ce document. Suite logique de 2012?

Monsieur le maire a dû ensuite se montrer plus conciliant devant l’engouement pour l’agriculture de proximité: forte demande pour les jardins communautaires et collectifs, jardinage en façade, approvisionnement direct auprès des producteurs, etc. Les besoins sont croissants mais l’espace manque cruellement. Pour le seul arrondissement La Cité-Limoilou, la liste d’attente des jardins communautaires dépasse maintenant 3 000 ménages.

De plus, la sécurité alimentaire de la population s’affaiblit avec les fluctuations dans l’approvisionnement et la hausse du prix de la nourriture, notamment en raison de la Covid-19. Ces perturbations s’intensifient avec les effets des changements climatiques. Déjà, la sécheresse et le manque de main-d’oeuvre affectent lourdement la saison agricole 2020.

D’où l’importance d’une plus grande autonomie alimentaire. Le premier ministre Legault l’a souligné à maintes reprises et les media le rappellent fréquemment. Dans ce contexte, la zone agricole est devenue une ressource vitale.

Principalement basé sur les résultats d’un sondage sur le jardinage par les citoyens et l’accès à des aliments de la région, le plan d’action fait abstraction de ces réalités. La clientèle cible: les «citoyens jardineurs» pour l’autoconsommation et, en partie, les «citoyens mangeurs» via les marchés de proximité. La seule agriculture préconisée dans ce plan est à fort contenu technologique, à haute capitalisation et orientée vers les parcs industriels (!), qui eux-mêmes «grignotent» nos terres agricoles. On y trouve peu de propositions concrètes pour augmenter les superficies accessibles et soutenir le développement d’initiatives privées ou citoyennes.

Deux récentes décisions de la Ville soulèvent des doutes quant à ses réelles intentions.

Un nouveau parc municipal est en aménagement dans le Vieux-Québec, les Jardins du Corps-de-Garde (4,5 M$). Une consultation avait révélé une demande des citoyens pour y inclure un jardin communautaire (le quartier en est dépourvu) mais la Ville l’a rejetée. Suite au déménagement du Marché du Vieux-Port à Expo-Cité, un marché saisonnier satellite était prévu en remplacement sur le site. Mais la Ville a préféré y faire implanter un jardin en bacs par les Urbainculteurs, un beau projet qui occupe seulement la moitié de la superficie. Il reste donc encore de l’espace pour le marché satellite…

Il est clair que ce plan d’action est étriqué: il manque sérieusement d’envergure et de territoire pour se déployer. Et il est carrément déconnecté des réalités économiques, climatiques et de santé publique ainsi que des tendances urbaines mondiales.

Notre mémoire appuyé par 62 cosignataires propose diverses modifications. En priorité: ce plan d’action doit couvrir la zone agricole. D’autres groupes l’ont également réclamé ces derniers mois, en vain.

La Ville ne s’imagine pas faisant partie d’une solution vers l’autonomie alimentaire parce qu’elle voit l’urbanisation des terres agricoles comme une source de revenus fonciers.

Mais, heureusement, il reste du temps à la Ville pour changer de cap!  La version finale du plan d’action sera préparée cet été et lancée à l’automne.

 

Voix citoyenne

(Mireille Bonin, Monique Gagnon, Pierrette Paiement, Claudine Dorval).

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