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Savez-vous planter des choux?

Outre la science, nos terres constituent notre principale richesse pour nous nourrir. Elle représente une ressource limitée de plus en plus rare. Il est impossible de créer de la terre. La science a pourtant mis au point de nouvelles technologies pour nous nourrir, notamment la culture en serre, les fermes verticales et autres. Ainsi, avec les années, les propriétaires et les citadins ont délaissé peu à peu le jardinage à la maison pour dépendre du labeur de nos agriculteurs. Avec nos vies de nomades, impossible de consacrer suffisamment de temps à un jardin dans la cour. Mais la COVID-19 risque de changer la donne cette année.

Jardiner et produire ses propres fruits et légumes exigent de la patience et surtout du temps à la maison, ce que la COVID-19 nous offre ces temps-ci. Une occasion de faire produire les terres de chez nous. D’ailleurs, certains rapports préliminaires de ventes au détail nous indiquent qu’il y a un engouement pour le jardinage, malgré le fait que les centres d’horticulture au pays resteront fermés pour un bout de temps. En ligne, les ventes de compost et de semences marquent des hausses de 250 %, et les produits de multiplication enregistrent une augmentation de 150 %. Les ventes en ligne pour les produits de jardinage montrent des augmentations partout en occident. En Europe, c’est la folie. Pour nous bien sûr, la grosse période de jardinage démarre durant la longue fin de semaine de mai, mais les gens à la maison planifient déjà leurs plantations.

Bonne nouvelle, le gouvernement Legault au Québec permettra aux centres de jardin de redémarrer à compter de demain. Pour plusieurs autres provinces, il va falloir attendre. Le jardinage stagnait depuis quelques années. Mais en raison de la COVID-19, il revient tranquillement à la mode.

Le jardinage domestique a toujours eu sa place. Selon Statiques Canada, 57 % des ménages canadiens jardinent à la maison chaque année. Mais cette statistique inclut aussi les fleurs. À peine 17 % des ménages au Canada entretiennent un potager pour se nourrir. Au Canada, le plus haut taux de jardinage, incluant les fleurs et les potagers, s’observe à Peterborough en Ontario avec 77 %. Le plus haut taux au Québec se situe à Sherbrooke avec 67 %. À l’inverse, le plus bas taux recensé au Canada de 39 % s’enregistre à Moncton. Montréal suit de près avec 48 %. En ville, l’espace devient décisivement un problème. Ces taux sont demeurés à peu près les mêmes depuis plusieurs années. Les dépenses des ménages pour l’horticulture domestique se situent autour de quatre milliards de dollars au Canada.

Toujours selon Statistiques Canada, les endroits propices pour cultiver sont principalement dans la cour (81 %), sur les balcons (30 %) et à l’intérieur (22 %). Seulement 4 % des ménages qui cultivent des fruits, des herbes, des légumes ou des fleurs pour leur usage personnel les cultivent dans des jardins communautaires. Au Québec, l’usage des jardins communautaires constitue toutefois un moyen très populaire de cultiver des denrées avec 9 %. Cependant, cette année, les jardins communautaires n’ouvriront que tardivement ou peut-être pas du tout, en raison des restrictions de la COVID-19.

Il devient normal de voir un  nombre grandissant de personnes songer à jardiner à la maison, surtout que l’année de culture qui s’annonce se traduira par une saison éprouvante pour l’horticulture. Avec le manque de main-d’œuvre dans nos champs, il est possible que nous ayons moins de produits sur le marché à l’automne. Un dollar affaibli par le marché du pétrole qui s’effondre, les produits maraîchers importés pourraient aussi coûter plus cher. D’ailleurs, les prix commencent déjà à augmenter.

Tous les éléments convergent vers une augmentation du taux de jardinage au pays. Il n’y a rien de plus satisfaisant que de cultiver nos terres pour s’alimenter. Cette volonté de jardiner, chez nous, ou pour nous, ressort de notre satisfaction de créer, de laisser la nature nous démontrer le pouvoir qu’elle possède. Pour plusieurs, le potager tient lieu d’un sanctuaire, d’un endroit paisible pour l’esprit qui offre un sentiment de bien-être irremplaçable.

Avec la COVID-19, notre relation avec la nourriture, notre compréhension de sa provenance et la complexité des chaînes d’approvisionnement vivent un profond changement. À cette ère d’incertitude, le retour aux sources fait en sorte que nous voulons revenir à des bases que nous connaissons. Ce n’est donc pas une coïncidence si l’achat local gagne en popularité. Le jardinage devient un acte doublement puissant.

L’achat local, à bonne dose, oui, mais rien ne se compare au jardinage.

 

Dr. Sylvain Charlebois, professeur titulaire, directeur principal, Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire, Université Dalhousie

 

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