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Il est temps d’éliminer l’accès légal aux armes d’assaut et à leurs accessoires meurtriers

OPINION. Pendant deux semaines, les reportages journalistiques issus des preuves de la Couronne en lien avec la tuerie au Centre culturel islamique de Québec ont permis à la population canadienne de constater à quel point Alexandre Bissonnette avait agi froidement et méthodiquement en s’en prenant aux 46 fidèles et 4 enfants qui tentaient de se cacher ou de fuir. Malgré cela, nos frères en pleine force de l’âge — Hassan, Aboubaker, Mamadou Tanou, Azzédine, Ibrahima et Khaled — n’ont pu échapper à la mort donnée par arme à feu.

Le 29 janvier 2017, je me souviens.

(Photo Métro Média – Archives)

En effet, les citoyens ont le droit de savoir que Bissonnette était soigné pour troubles anxieux, prenait des antidépresseurs et était en arrêt de travail. Ils ont le droit de savoir que malgré ce profil et ces risques, la Loi en l’état actuel ne l’a pas empêché de posséder plusieurs armes à feu.

Enfin, ils ont le droit de savoir que Bissonnette était membre d’un club de tir, un type d’endroit où on apprend « comment tirer » et où peuvent se pratiquer des jeux « tactiques » dont l’objectif est de tirer avec des armes d’assaut, le plus rapidement possible, sur une multitude de cibles.

Des armes comme la carabine semi-automatique non restreinte « VZ58 Sporter », munie d’un chargeur comportant 29 cartouches, avec laquelle Bissonnette a tenté d’amorcer son attentat. S’étant heureusement enrayée au premier coup, c’est alors qu’il a sorti un Glock 9mm de son manteau.

Quel aurait été le bilan de l’attentat si la VZ58 ne s’était pas enrayée? Aymen Derbali, atteint par sept balles, est d’avis que ce coup de chance a empêché un carnage « de justesse » sachant que Bissonnette avait 108 balles et qu’il « était déterminé à nous tuer tous ».

Armé d’un pistolet et de cinq chargeurs, le tueur a pu tirer jusqu’à 10 coups en rafale, d’une telle force que les projectiles ont traversé les murs. Quelques 48 balles ont été tirées, faisant six morts, cinq blessés graves, et 39 personnes traumatisées à vie en moins de deux minutes.

En moins de deux minutes

Mais dans quelle société vivons-nous pour tolérer qu’un citoyen ordinaire puisse se voir légalement conférer un pouvoir aussi destructeur?

Cette question, nous l’avons posée en novembre dernier à Mark Holland, secrétaire parlementaire du ministre fédéral de la Sécurité publique. Nous lui avons également fait part des reportages montrant l’implantation de milices d’extrême droite au Canada, dont plusieurs au Québec — milices qui se considèrent « en guerre » contre certaines minorités, notamment les personnes de confession musulmane. Ces groupes sont lourdement armés, pratiquent leurs tactiques militaires en milieu forestier et obligent leurs membres à détenir un permis de possession d’armes à feu, un permis permettant l’achat légal d’armes d’assaut!

En réponse à nos craintes, monsieur Holland a tenté de nous rassurer en nous parlant des programmes d’anti-radicalisation de son gouvernement. Nous avons dû respectueusement l’interrompre pour insister sur le fait que, malgré notre appui évident et enthousiaste à la lutte contre la radicalisation, la priorité la plus urgente devrait être de limiter le pouvoir destructeur que détiennent les milices actuelles ainsi que tout autre citoyen ordinaire.

Il est donc fort regrettable de constater que le gouvernement canadien actuel ait tout de même décidé de complètement ignorer la question de l’accès légal aux armes d’assaut dans le cadre de la présente réforme de la Loi sur les armes à feu.
Est-ce parce qu’une minorité d’amateurs d’armes qui se considèrent « victimes » d’une législation « draconienne » font peur aux députés libéraux en vue des prochaines élections?

Pourtant, la volonté de la population à ce sujet est claire : non seulement des sondages indiquent que la très grande majorité appuie l’interdiction des armes d’assaut, mais tout récemment, les Canadiens ont organisé de multiples marches à travers le pays en solidarité avec les étudiants de Parkland qui réclament leur interdiction aux États-Unis!

Nous espérons donc que la douleur que nous avons subie au quotidien en lien avec la publication des détails du massacre de la Mosquée de Québec se verra justifiée par une prise au sérieux de mesures législatives à prendre pour que de telles tueries ne se reproduisent plus jamais.

Au gouvernement de M. Trudeau nous disons : il faut éliminer l’accès légal aux armes d’assaut et à leurs accessoires meurtriers. Ainsi pourrions-nous, inch’Allah , assurer un meilleur repos aux victimes tout en renforçant les valeurs de paix, d’ordre et de bon gouvernement qui font la fierté de ce beau et grand pays, le Canada, qui est le nôtre.

Boufeldja Benabdallah, président du Centre culturel islamique du Québec, au nom de plus de 75 signataires dont les membres du c.a. du CCIQ, les blessés et rescapés de la tragédie du 29 janvier 2017 et les familles des victimes y ayant perdu la vie

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