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Sournoise culpabilisation par association

Je suis le frère d’Annie St-Arneault, l’une des victimes de la tragédie de la Polytechnique de Montréal du 6 décembre 1989. Cet évènement a non seulement changé ma vie, mais il s’est aussi inscrit dans l’imaginaire collectif des québécois d’une manière indélébile, un peu comme un traumatisme collectif.

Tribune libre (Photo TC Media – Archives)

Le débat autour du contrôle des armes à feu a pris son envol à la suite de cette tragédie. Le jeune meurtrier a utilisé une arme semi-automatique, un Ruger Mini-14, pour assassiner ma sœur Annie et treize autres femmes sous le seul prétexte d’être des femmes qui aspiraient à pratiquer des professions historiquement attribuées aux hommes. Il rageait contre ces féministes qui bafouaient son identité masculine.

À juste titre, toutes les femmes se sont senties menacées et les hommes sont devenus, par ricochet, des victimes en développant une forme de culpabilisation par association. C’est comme s’ils partageaient inconsciemment une aura de violence consécutive aux actes de brutalité commis par l’un d’entre eux.

Tout comme Marc Lépine blâmait les féministes, Alexandre Bissonnette, présumé tireur de la Grande Mosquée de Québec en janvier 2017, a laissé des messages haineux contre les musulmans. Pourquoi les Québécois auraient-ils à se sentir coupables par association pour le geste qu’un des leurs a posé en assassinant injustement des musulmans honnêtes et socialement intégrés dans la société québécoise ? Pas plus, les musulmans n’ont à se culpabiliser par association à cause de la haine propagée par des extrémistes musulmans qui ne vivent même pas au Québec. Dangereuse association également que celle d’identifier tous les prêtres catholiques à des pédophiles.

À bien y penser, homme ou femme, nous sommes tous victimes par association de la violence insensée perpétrée par des individus qui abusent de leur pouvoir, quel qu’il soit; arme à feu pour les plus sanglants ou par intimidation, fureur, rage, agressivité verbale, brutalité, maltraitance, molestation, viols et abus de confiance.

Pourtant, nos tragédies personnelles et collectives peuvent malgré tout devenir des tremplins pour nous élever vers quelque chose de mieux dans la mesure où nous nous engageons à dénoncer toutes les formes de violence et d’abus, quel que soit le milieu ou l’endroit. Souvent, la victime porte le fardeau de la culpabilité. La dénonciation, c’est-à-dire la prise de parole, libère d’un poids trop longtemps enfermé dans les cœurs. N’est-ce pas ce que nous observons avec le mouvement de témoignage sur le harcèlement sexuel #MoiAussi – #MeToo ou encore avec l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ?

C’est ma prière que les hommes apprennent à exprimer ouvertement leur peine et leurs sentiments lors des commémorations contre la violence faite aux femmes. C’est aussi ma prière que les croyants chrétiens, musulmans, ou de toute autre religion, ne portent plus le fardeau d’actes violents commis par quelques-uns et qu’ensemble on se mobilise contre le fanatisme. Et enfin, plus près de moi, c’est ma prière que les prêtres cessent de subir par association une condamnation justifiée qui s’adresse uniquement aux pédophiles cléricaux.

Nous sommes tous et toutes des êtres fragilisés par nos blessures corporelles, émotionnelles et psychologiques. Ma dernière prière est que nous puissions trouver des lieux d’échange pour soulager cette sournoise culpabilisation par association qui empoisonne nos mémoires personnelles et collectives. Alors que la violence trouve sa racine dans les peurs et les non-dits, le chemin de la paix repose sur la confiance mutuelle. 

La tuerie du 6 décembre 1989, tout comme celle du 29 janvier à Québec, a été commise par l’utilisation d’une arme à feu.  Il semble donc pertinent de dénoncer tous les visages sous lesquels se profile l’intolérance, incluant l’islamophobie.

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