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Une peine cruelle et inusitée pour le Dr Jacques Roy

OPINION. Le 9 aout dernier, au Texas, Jacques Roy a été condamné à purger une peine de 35 années d’incarcération sans possibilité de libération conditionnelle, pour avoir prétendument fraudé le régime public d’assurance-maladie. Le médecin originaire de Québec, qui détient les citoyennetés canadienne et étasunienne, a aussi été condamné à rembourser la somme astronomique de 268M$ conjointement avec ses coaccusés.

Tribune libre. (Photo TC Media – Archives)

Le juge Sam Lindsay, dont la probité a été sérieusement remise en question dernièrement, n’a pas précisé comment les condamnés, désormais sans travail et sans le sou, étaient censés trouver une somme pareille en prison. Le docteur Roy est détenu depuis que des agents du FBI l’ont arrêté chez lui à la pointe du fusil, le 28 février 2012 à l’aube. Si la sentence n’est pas infirmée en appel, il ne pourra pas sortir de prison avant l’âge de 89 ans, ce qui est d’autant plus affligeant que le verdict de culpabilité repose sur des témoignages obtenus sous la contrainte. Le principal intéressé a lui-même toujours nié catégoriquement avoir commis les crimes qu’on lui reproche.

Des fraudeurs qui ont avoué leur culpabilité se sont vu offrir une réduction de peine en échange de leur témoignage contre Jacques Roy afin de corroborer la thèse du procureur. Ils ont notamment prétendu que le Dr Roy leur avait demandé de produire de fausses recommandations médicales à son nom. La preuve contre le Dr Roy est essentiellement constituée des dires de ces fraudeurs.

Après avoir claironné à compter de 2012 que Jacques Roy était le grand architecte d’un stratagème ayant permis à des fournisseurs de services de santé de voler aux contribuables la somme colossale 375 millions de dollars — ce qui est une grossière exagération[1] , soit dit en passant —, les autorités judiciaires devaient absolument faire condamner leur principal suspect, sous peine de voir leur crédibilité sérieusement entachée. Par conséquent, faisant fi de la vérité, le FBI et les procureurs ont déployé tout leur arsenal de mauvais procédés, y compris la subornation de témoins, afin d’obtenir un châtiment exemplaire.

Une fois Jacques Roy déclaré coupable d’une fraude spectaculaire qui, étrangement, ne lui aurait rapporté aucun bénéfice, le procureur Philip James Meitl a réclamé une peine de 105 ans d’emprisonnement! Le juge a conclu toutefois que 35 années suffiraient pour qu’à toutes fins utiles, le Dr Roy soit enfermé à perpétuité. Or, l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés interdit les peines cruelles et inusitées de ce genre, ce qui signifie que les droits fondamentaux du citoyen canadien Jacques Roy sont violés au même titre que ceux d’Omar Khadr l’ont été à Guantanamo.

À titre de comparaison, rappelons que l’ex-PDG de Norbourg, Vincent Lacroix, a été condamné au total à 18 ans de prison pour avoir trompé 9 200 investisseurs. Il a obtenu sa libération conditionnelle en 2014, après avoir purgé le tiers de sa peine, c’est-à-dire au bout de six ans. Vincent Lacroix a reconnu sa culpabilité, contrairement à Jacques Roy, qui gagnait sa vie à soigner des démunis, des personnes âgées et des handicapés avant d’être arrêté. M. Lacroix a reçu une peine proportionnelle à la gravité de sa faute. Jacques Roy, lui, subit une peine cruelle et inusitée pour une faute qu’il n’a pas commise.

Guidés par le désir de gonfler leur lectorat et leurs recettes publicitaires, des médias[2]  ont agi en complices des autorités judiciaires plutôt que d’éclairer le public en toute impartialité sur le dossier de Jacques Roy. Ils ont monté en épingle, sans aucune nuance, des demi-vérités et des épisodes peu glorieux du passé du Dr Roy que les procureurs s’étaient employés à exhumer, mais qui n’avaient aucun lien avec la fraude présumée. Il s’agissait de diaboliser l’homme, de justifier la sévérité de la peine et de dissuader quiconque aurait souhaité le défendre publiquement.

En outre, pendant que des journalistes peu rigoureux scellaient à l’avance l’issue du procès, la femme et le fils de Jacques Roy étaient soumis au chantage du FBI et des procureurs, qui menaçaient de les inculper, eux aussi. Ils ont ainsi été muselés. Le point de vue des proches de Jacques Roy n’a pas du tout été entendu depuis l’arrestation de ce dernier. Il est temps de rompre ce silence, et je pense être bien placé pour le faire.

En effet, j’ai connu Jacques Roy lorsqu’il faisait ses études secondaires au Séminaire de Québec. Par la suite, il a obtenu son diplôme de médecine à l’Université Laval, avant de s’exiler aux États-Unis. C’est un homme aux multiples talents, qui a excellé notamment en ski alpin et en voile. Ses enfants voient en lui un père aimant. Ses collègues savent que c’est un excellent médecin qui a sauvé beaucoup de vies comme urgentologue, avant de se consacrer aux visites médicales à domicile. Bon nombre de patients ont d’ailleurs témoigné en sa faveur lors du procès.

Un livre intéressant a paru en avril dernier: American Criminal Justice System Inc: Rogue Prosecutions in an Era of Mass Incarceration. Ce livre est le témoignage de Fred Eghobor, un Canadien d’origine nigériane, diplômé en sciences infirmières, qui a été incarcéré pendant quatre ans aux États-Unis pour avoir, lui aussi, prétendument fraudé le régime public d’assurance-maladie au Texas.

M. Eghobor décrit les rouages sordides de la machine qui l’a fait emprisonner très injustement, en particulier les manigances du FBI et des procureurs. Par exemple, à la page 98 de son livre, il écrit que Ferguson Ikhile, propriétaire de l’agence de soins à domicile PTM Healthcare Services Inc., a fait un faux témoignage contre lui et contre Jacques Roy après avoir négocié une réduction de sa peine avec les procureurs. Contrairement à Jacques Roy et Fred Eghobor, M. Ikhile est un véritable fraudeur qui s’en est mis plein les poches, mais qui n’a écopé que d’une peine de 10 ans.

L’appareil judiciaire des États-Unis, royaume incontesté de l’incarcération de masse, est conçu non pas pour que justice soit faite, mais pour punir aveuglément, donner aux gens un faux sentiment de sécurité et permettre aux établissements carcéraux privés de faire des affaires d’or. Les détectives et les procureurs savent que leur carrière dépend du nombre de personnes qu’ils parviendront à jeter en prison, et c’est pourquoi beaucoup d’innocents choisissent de plaider coupables plutôt que de se battre à armes inégales, dans un procès ruineux, contre une meute de loups affamés. On peut aisément les comprendre, car Jacques Roy et Fred Eghobor, eux, ont payé un lourd tribut pour avoir voulu défendre avec courage leur honneur et leur dignité.

Bernard Desgagné, Gatineau

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