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Le toit de ma maison coule… comme la Lorette déborde

Le toit de ma maison coule. Depuis 15 ans. Eh oui, depuis 15 ans. Ce n’est pas vraiment grave, on s’habitue. J’ai mis un seau dans la cuisine pour recueillir l’eau. Quand le seau est plein, je le vide. Quand je ne suis pas à la maison et qu’il pleut, le seau se remplit et déborde. Ça coule sur le plancher du rez-de-chaussée et ensuite au sous-sol. Pas grave, j’ai installé d’autres seaux au sous-sol. Je les vide quand je reviens à la maison.

J’ai fait faire une étude il y a bien longtemps, plus de 30 ans en fait, avant la première fuite. Je commençais à avoir un doute. Tous ces experts me disaient qu’il fallait absolument faire réparer mon toit pour ne pas avoir de problèmes dans le futur. J’ai douté. Je ne les ai pas écoutés. En fait, je ne sais même pas où j’ai rangé cette étude. Sur une tablette quelque part, probablement. J’ai demandé une autre étude par une autre firme d’experts quelques années avant la première fuite. Coudonc, eux aussi me recommandaient la même chose : faites donc réparer votre toit avant que ça s’empire. Bof.

Mon toit a coulé à quelques occasions depuis. J’ai tergiversé avec celui qui l’a installé, avec le fabricant du contre-plaqué, même avec le manufacturier du recouvrement de bardeaux. Le vendeur des clous utilisés à l’époque voulait aussi s’en mêler. Du calme. Nous savons tous très bien ce qu’il faut faire, mais j’hésite. J’ai installé un morceau de pellicule plastique fixé avec des broches en attendant. J’observe. Peut-être qu’il n’y aura plus de fuite, mais peut-être qu’il y en aura d’autres.

Je connais des voisins, des amis, qui ont à peu près les mêmes problèmes. Eux aussi ont consulté des spécialistes très spécialisés dans leurs spécialités spécifiques. Évidemment, comme dans toutes spécialités, des spécialistes ne s’entendent pas sur la situation spécifique. Parfois, certains doutent de la provenance des nuages, de leurs situations géographiques au moment de l’événement. Donc, peut-être que le toit va se réparer par lui-même.
Le toit de ma maison, c’est la rivière Lorette.

Ce cours d’eau si calme qui devient totalement imprévisible et dévastateur en situation de grandes crues. Les solutions sont étudiées, connues, conçues, et pratiquement approuvées par tous. Attendons, ça fait juste 15 ans. « Ce n’est pas grave, ils installent des seaux quand il pleut », se disent-ils.

Dans le fond, qui sont les sots? J’aimerais bien que tous les experts, tous les fonctionnaires et tous les élus impliqués prennent quelques minutes pour lire cet écrit qui résume assez fidèlement ma pensée et la celle de tous mes voisins et amis qui partagent les mêmes problèmes. Mieux encore, affichez-le à votre poste de travail et relisez-le quand il tombe des cordes dehors. Vous penserez alors à moi.

Moi, je pense déjà à vous dans ces moments-là. Je parle au nom du Regroupement Sinistrés Entraide. Nous sommes un regroupement de citoyens qui travaillent, vraiment, dans le même objectif que vous tous : régler les problèmes de soubresauts de la rivière Lorette une fois pour toutes. Attendez, j’ai une vague impression que ce n’est pas la première fois que j’exprime ce désir…

J’ai écrit ce genre de texte plusieurs fois depuis 15 ans et j’espère ne pas avoir à me rendre à 20. Vous m’avez gentiment répondu à toutes les occasions que vous alliez agir rapidement et promptement. Eh ben! Demain, vous allez déclarer que vous avez investi des sommes colossales depuis toutes ces années et que la situation s’est grandement améliorée. Vous avez parfaitement raison et je vous en remercie grandement encore une fois. Mais vous savez aussi très bien que ce n’est pas assez et que la prochaine catastrophe nous pend au bout du nez. Ça aussi c’est vrai.

Il reste que j’ai encore besoin de plusieurs seaux dans ma maison, et que vous seul pouvez colmater la fuite de ces erreurs du passé. Je vous demande ardemment de débuter les travaux finaux de pérennisation des mesures de protection temporaires contre les inondations de la rivière Lorette, ce que nous appellerons le mur anticrue version 3, au printemps 2021.

Vous vous êtes étouffé avec votre gorgée de café en lisant cela? Pas grave, venez chez moi, vous pouvez cracher dans un de mes seaux, j’en ai plein la maison. Mais, de toute façon, je connais déjà vos réponses : « ce n’est pas de ma faute, je veux commencer les travaux, mais lui, il n’est pas d’accord avec la couleur des seaux! » « Il faut d’abord avoir l’autorisation de Pierre, Jean, Jacques et du marchand de seaux! » « On en prend un petit, un moyen, ou un grand seau? » Et patati, et patata.

Les autorités provinciales et municipales doivent se « mouiller » une fois pour toutes. Moi, c’est déjà arrivé à quelques occasions. Dans le fond, qui sont les sots (bis)? On épilogue sur l’emplacement du sceau, non, du saut, non, du sot, non, du seau; disons de la chaudière. On songe à demander un permis pour l’aménagement d’une piscine intérieure alimentée avec de l’eau de pluie : récupération écologique. Ah! Et puis, de la merde. On est encore dedans, depuis 15 ans.

Finalement, et j’espère que vous n’avez pas décroché de votre lecture; devrais-je réparer mon toit avant d’installer un trampoline, une piscine et des montagnes russes pour les enfants dans la cour arrière ? Ils seront déçus. Mais je crois bien que oui, je devrais. N’oubliez pas, le toit de ma maison coule, encore, depuis 15 ans.

Denis Lavoie, président du Regroupement Sinistrés Entraide, regroupant tous les sinistrés de la rivière Lorette, toutes municipalités confondues

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