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Laïcité et vivre ensemble : silence assourdissant des leaders religieux et culturels

 

Laïcité et vivre ensemble : silence assourdissant des évêques, rabbins, imams et autres leaders religieux et culturels

On est tous en faveur du ‘Vivre Ensemble’. Oui bien sûr. Mais comment ? Et par où commencer ? Les acteurs politiques discutent, s’affrontent, puis tranchent dans le vif. Souvent douloureusement. Les intellectuels écrivent. Parfois des textes interminables de subtilité et de références historiques. Les uns prouvant une chose et les autres le contraire. Bien difficile d’y trouver la voie du ‘Vivre Ensemble’.

Une pensée me poursuit et je vous en fais part. Celle du silence des leaders religieux et culturels. Je reprendrai donc la suggestion que je faisais il y a une dizaine d’années à l’archevêque de Québec : ‘’Pourquoi ne prendriez vous pas l’initiative de vous rendre (en procession solennelle par exemple) à l’Assemblée nationale, d’en retirer le crucifix et de le placer à l’abri de la controverse ? De mon côté je continue de soutenir de mes sous la fonction muséale de la Chapelle qui fut celle du Petit Séminaire ainsi que la préservation de la Croix-du-chemin-qui-marche dominant le fleuve à Grondines’’. Et aux leaders de toutes confessions religieuses je suggère d’encourager ouvertement la discrétion (comme le pratique déjà la grande majorité des chrétiens, juifs, musulmans, sikhs) concernant l’affichage, sous certaines formes, à certains moments et en certains lieux, de symboles d’appartenance religieuse comme politique.

Loin de moi de vouloir blesser ou faire la leçon. Ni même de rappeler ce que les pères de l’Église ou le Coran lui-même disent du respect des lois. Mes convictions (j’en suis venu à bien peu de certitudes) résultent d’un parcours long (début prochain de ma 85è année) et varié. Entrée dans une institution quasi monacale dès l’âge de onze ans, adolescence très religieuse et studieuse. Distanciation puis rébellion contre l’emprise de l’Église sur l’enseignement au point de renoncer à mon emploi et de quitter le Québec.  Pour y revenir lorsque souffla le courant d’air frais de la Révolution tranquille. L’évolution de mes convictions fut aussi alimentée par plusieurs années en pays à majorité bouddhique ou musulmane ainsi que par des études en physique, en psychologie et en musique. Avec apprentissage de plusieurs langues étrangères dont des milliers d’heures consacrées à l’arabe. Partout, enfin, que des collègues et amis pratiquant admirablement le ‘Vivre Ensemble’.

Ou presque. Car je fus touché personnellement par, et sérieusement vacciné contre, les dérapages de certains crédos politiques, religieux, ethniques ou culturels. Tous mes étudiants dans les années ’60 à Phnom-Penh ont été tués, victimes des délires de Pol Pot et de quelques ‘intoxiqués’ durant leurs études à Paris. Un de mes collaborateurs, l’économiste Bernard Maris, a payé de sa vie la liberté de parole, lors de l’attentat de Charlie Hebdo. L’auteur de la tuerie à la mosquée de Québec, dans le quartier où j’habite, avait étudié dans une faculté dont je fus doyen. Mon ami Georges-Henri Lévesque, dominicain et fondateur de l’Université nationale du Rwanda, ne cessa jusqu’à la fin de sa vie de me dire sa douleur et son incompréhension devant le génocide perpétré là-bas. Mon collègue et doyen Qi de Shanghai m’expliqua et démontra combien sa famille et son université avaient souffert durant la Révolution culturelle sous Mao. Mon ami Sélim Abou récemment décédé, doyen et recteur, jésuite et sociologue à Beyrouth, pleurait avec moi l’époque disparue du ‘Vivre Ensemble’ des chrétiens et musulmans, occidentaux et orientaux de son pays comme de tout le Proche-Orient.

Je lis et j’écoute. Le débat actuel sur la laicité au Québec m’inspire-t-il confiance pour l’avenir ? Parfois non. Heureusement, habituellement oui.

 

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