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Magasiner quand on est Noir au Canada, une illustration du racisme au quotidien

Faire ses emplettes quand on est Noir au Canada est une expérience particulière, selon la consultante Tomee Elizabeth Sojourner-Campbell.

Consultant Tomee Sojourner-Campbell, who specializes in the area of consumer racial profiling, poses for a portrait in Toronto, Sunday, May 27, 2018. THE CANADIAN PRESS/Galit Rodan

La personne noire entre dans un magasin et réalise rapidement qu’elle est suivie, dit-elle. Un employé est à quelque pas derrière, surveillant chacun des mouvements du client et vérifiant l’inventaire chaque fois qu’il fait une pause dans une allée. Le client noir achète quelque chose, mais il est intercepté à la sortie pour montrer son reçu. Personne d’autre ne l’est.

C’est souvent subtil, mais ça peut rapidement dégénérer, comme on l’a constaté le mois dernier dans un café de Philadelphie lorsque deux hommes noirs ont été arrêtés en attendant un partenaire d’affaires.

La vidéo virale de l’incident chez Starbucks est une illustration choquante du «racisme ordinaire» aux États-Unis. Mais pour les Noirs, les Autochtones et plusieurs autres personnes des minorités visibles au Canada, cela fait partie de la vie de tous les jours, selon Mme Sojourner-Campbell, une experte en profilage racial des consommateurs pour la firme torontoise Sojourner Mediation and Consulting Services.

«C’est une situation que vivent quotidiennement des gens qui vaquent à leurs occupations», souligne-t-elle. «Cela peut sembler incroyable pour les gens qui ne le vivent pas, mais pour les Noirs et les Autochtones, cela fait partie de la vie quotidienne.»

Une série d’incidents récents au Canada montre que ce n’est pas un problème qui n’existe qu’aux États-Unis.

Le mois dernier, un restaurant de Toronto a été condamné à payer 10 000 $ après avoir demandé à des clients noirs de payer à l’avance un repas en 2014, tandis que Shoppers Drug Mart (la bannière Pharmaprix au Québec) a dû payer 8000 $ en 2015 lorsqu’un employé a faussement accusé une femme noire de vol.

En Saskatchewan, un employé du détaillant Tigre Géant à Regina a été suspendu l’année après des allégations de profilage racial, après qu’un homme autochtone a mis en ligne une vidéo le montrant être suivi à plusieurs reprises dans le magasin. Une autre vidéo montrait un employé de Canadian Tire accusant un Autochtone de vol à l’étalage et l’expulsant physiquement du magasin.

«Cela peut se produire dans de petites collectivités ou dans de grandes régions urbaines, affirme Mme Sojourner-Campbell. Les Noirs et les Autochtones sont victimes de profilage racial et sont traités injustement partout au Canada.»

En Nouvelle-Écosse, la commission provinciale des droits de la personne a conclu que le personnel d’un magasin Sobeys de la région de Halifax avait fait preuve de discrimination envers une femme noire qui a été faussement accusée de vol à plusieurs reprises.

Andrella David achetait de la crème glacée en mai 2009 lorsqu’un membre du personnel s’est approché d’elle et l’a publiquement accusée d’être une «voleuse à l’étalage connue». Le géant de l’épicerie a tout d’abord fait appel de la décision de la commission, affirmant que même si la situation n’avait pas été gérée correctement, il ne s’agissait pas de profilage racial.

Sobeys a finalement accepté de s’excuser et d’offrir de la formation au personnel sur la discrimination et le profilage racial après qu’un tollé général eut provoqué un boycottage de plusieurs mois.

Le racisme au quotidien

El Jones, une poète et organisatrice communautaire de Halifax, affirme que les Noirs sont souvent perçus comme une menace et traités comme des criminels.

«La perception est que vous êtes un criminel, que vous êtes dangereux et une menace», affirme Mme Jones, titulaire de la chaire Nancy en études des femmes à l’Université Mount Saint Vincent, à Halifax.

L’impact du profilage racial est difficile à comprendre pour ceux qui ne le vivent pas, souligne-t-elle.

«Pensez à la façon dont vous traversez votre journée. Maintenant, imaginez avoir à questionner tout ce que vous faites, explique Mme Jones. Les Noirs doivent réfléchir à deux fois avant de faire quoi que ce soit. Vous devez gérer et contrôler votre corps en tout temps.»

Selon l’écrivaine, militante et éducatrice montréalaise Robyn Maynard, vivre le racisme au quotidien est dévastateur pour les personnes racisées.

«Nous devons reconnaître ce type de profilage comme une punition, un véritable type de préjudice, dit-elle. Il a un impact horrible sur les jeunes.»

Mme Maynard, auteure du livre «Policing Black Lives: State Violence in Canada from Slavery to the Present», rappelle que les racines du profilage racial remontent à l’époque de l’esclavage et de la ségrégation.

Le profilage racial du consommateur est un exemple du «racisme ordinaire» que subissent les personnes racisées tous les jours, affirme-t-elle.

«Être Noir et se déplacer librement dans l’espace public est un sujet de controverse», ajoute Mme Maynard.

Les conséquences du profilage racial comprennent la surreprésentation des enfants noirs dans le système de protection de l’enfance, les taux de suspension plus élevés des étudiants noirs et leur exclusion des programmes d’enseignement enrichi, énumère-t-elle.

Brett Bundale, La Presse canadienne

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