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Crimes sexuels sur des enfants à l’étranger: des mesures plus dures réclamées

Indigné que des pédophiles canadiens puissent toujours faire du tourisme sexuel et agresser des mineurs à l’étranger, un groupe de protection des droits des enfants continue de faire pression sur Ottawa pour qu’il adopte une ligne plus dure envers les délinquants sexuels, inspiré notamment par les États-Unis qui peuvent les identifier directement sur leurs passeports.

Début novembre, une nouvelle mesure est entrée en vigueur chez notre voisin du sud. Les États-Unis peuvent révoquer les passeports des délinquants sexuels condamnés et ajouter, lorsqu’ils sont émis de nouveau, la mention suivante: «Ce titulaire a été condamné aux États-Unis d’un crime sexuel sur un mineur et est un délinquant sexuel couvert en vertu de la (loi américaine)».

L’Australie vient aussi tout juste de revoir ses mesures. Le ministre responsable aura bientôt l’obligation d’annuler un passeport d’un délinquant sexuel inscrit sur demande d’une autorité compétente.

Mais rien de tel au Canada, déplore l’organisme Au-delà des frontières (ECPAT-Canada).

Il se désole qu’au pays, ceux qui sont inscrits au «registre national des délinquants sexuels» pour des crimes commis sur des mineurs puissent se déplacer en toute impunité et se rendre incognito en Thaïlande ou dans d’autres pays prisés par les touristes sexuels — y compris pour y effectuer du bénévolat dans des orphelinats.

Pas d’interdiction, à moins qu’ils ne soient sous le coup d’une probation les empêchant de se rendre à l’étranger ou que les conditions de leur remise en liberté ne les en empêchent.

Annuler les passeports des délinquants sexuels

Le gouvernement fédéral devrait en faire plus pour protéger les enfants dans des pays étrangers, plaide l’organisme qui demande deux choses. D’abord, que les lois canadiennes soient modifiées afin qu’il soit obligatoire pour le ministre — et non pas discrétionnaire comme c’est le cas actuellement — d’annuler les passeports des délinquants lorsqu’une autorité canadienne le demande, soit un juge ou une agence de protection de l’enfance. Une façon de faire similaire à l’Australie, explique David Matas, un porte-parole de l’organisation, qui précise que la loi australienne n’est pas encore en vigueur.

L’organisme réclame aussi un timbre comme aux États-Unis, sur les passeports des délinquants inscrits au registre, condamnés pour des crimes sexuels commis sur des enfants. Cela aurait pour effet d’aviser les autorités étrangères qu’un délinquant sexuel s’apprête à entrer sur leur territoire.

Bref, là où le voyage serait permis, ces pays seraient à tout le moins avisés du passé du voyageur pédophile.

«Les autres pays, incluant ceux des pays en voie de développement, seraient alors bien mieux équipés pour protéger leurs enfants des prédateurs en voyage et des touristes sexuels visant les enfants. Ils pourraient simplement et facilement leur refuser l’entrée», en refusant d’émettre un visa par exemple, soutient Au-delà des frontières-Canada.

Selon l’organisme, les changements législatifs au Canada se heurtent toutefois à un obstacle de taille: la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoit que la mobilité est un droit fondamental. M. Matas soupçonne que ce droit à la mobilité est ce qui pose problème ici.

«Je n’accepte pas cet argument», dit-il toutefois, précisant que ce droit n’est pas absolu. «Nous avons deux droits concurrents ici. Le droit des enfants d’être protégés contre des sévices sexuels et le droit des adultes à la liberté de mouvement. Entre ces deux droits, celui des enfants devrait prévaloir.»

Quant à une violation de la vie privée, causée par un cachet dans le passeport qui indiquerait que le détenteur a été condamné pour un crime sexuel contre les enfants, et les exposant à des représailles de personnes outrées de leurs crimes, là aussi M. Matas croit que la protection des enfants devrait avoir le dessus.

L’organisme tente de recueillir un maximum de signatures pour une pétition qu’il entend déposer au Parlement et présenter au ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen.

Questionné à savoir s’il envisageait les changements législatifs mis de l’avant par l’organisme, le bureau du ministre Hussen n’a pas répondu, transférant notre demande au ministère, qui a rétorqué qu’il ne peut commenter sur des décisions politiques ou des changements législatifs futurs.

Il précise toutefois que le Décret sur les passeports canadiens a été modifié en 2015. Cet article prévoit que «le ministre peut refuser de délivrer un passeport s’il a des motifs raisonnables de croire que cela est nécessaire pour prévenir la commission de tout fait visé au paragraphe 7(4.1) du Code criminel», soit les infractions d’ordre sexuel impliquant des enfants à l’extérieur du Canada. Pour les mêmes motifs, il peut révoquer un passeport.

C’est bien, mais «cela ne va pas assez loin», soutient M. Matas, qui souhaite que la révocation soit obligatoire.

À noter que le Canada avait aussi modifié ses lois en 2002 afin de mettre un frein au tourisme sexuel et de permettre aux autorités de traduire en justice ici les Canadiens ayant commis des crimes sexuels à l’étranger, peu importe les lois du pays visité.

Des prédateurs canadiens ayant sévi à l’étranger

Ernest Fenwick MacIntosh

L’homme de la Nouvelle-Écosse a été arrêté au Népal en 2014 pour agression sur un garçon handicapé vivant dans un orphelinat. Il a écopé de sept ans de prison.

Après deux procès tenus en 2010 au Canada, MacIntosh avait été condamné sur 17 chefs d’accusation pour grossière indécence et agression sur des mineurs dans les années 1970. Ces condamnations avaient été cassées par la Cour suprême du Canada en 2013 en raison de trop longs délais écoulés pour les procédures criminelles.

Donald Bakker

Le Vancouvérois a été arrêté par la police de Vancouver en 2003 après avoir agressé une prostituée. À ce moment, il a reconnu avoir commis dix agressions sexuelles auparavant, dont sept sur des fillettes au Cambodge, âgées de 7 à 12 ans.

Il est le premier Canadien à avoir été condamné en vertu de la Loi sur le tourisme sexuel. En 2005, il a écopé de 10 ans de prison. Il a été libéré en 2012.

 

James McTurk

L’homme, inscrit au registre national des délinquants sexuels, a été arrêté en mars 2012 à Toronto après être rentré de Cuba avec des photos troublantes de lui prenant part à des actes sexuels avec des enfants. Il a ensuite été accusé de neuf chefs de crimes de tourisme sexuel et de production de pornographie juvénile.

Stéphanie Marin, La Presse canadienne

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