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Le coroner juge que la vague de suicides chez les autochtones était «évitable»

Le coroner Bernard Lefrançois juge que la vague de suicides survenue en 2015 dans la communauté autochtone d’Uashat mak Mani-Utenam, sur la Côte-Nord, était «évitable» chez ces individus qui avaient tous en commun leur «mal-être» les poussant à vouloir mettre fin à leurs souffrances.

L’édifice du conseil de bande de Uashat mak Mani-Utenam

Google Street View

«Chaque personne décédée avait une histoire individuelle et une trajectoire de vie bien à elle. Par contre, les cinq avaient en commun d’être autochtones», note le coroner dans son rapport rendu public, samedi.

Dans son document d’une quarantaine de pages, Me Lefrançois expose en détail l’histoire des cinq victimes — Alicia Grace Sandy, 21 ans, Charles Grégoire-Vollant fils, 24 ans, Marie-Marthe Grégoire, 46 ans, Céline Rock Vollant, 30 ans, et Nadeige Guanish, 18 ans.

Selon le coroner, les cinq personnes — quatre Innus et un Naskapi — ont présenté des facteurs associés au suicide, dont la consommation d’alcool et de drogues, les difficultés familiales, l’exposition au suicide d’un proche et les troubles mentaux.

Me Lefrançois constate que les autochtones sont plus touchés par ces divers problèmes, rappelant que le taux de suicide est deux fois plus élevé dans ces communautés que dans la population en général.

Il se montre fort critique à l’endroit du régime de réserve, «un problème majeur» qu’il compare à l’apartheid. Selon lui, il serait temps de mettre fin à ce système dans lequel sont plongés les Autochtones depuis 150 ans.

«En s’y attaquant, on s’attaquerait à tout le moins au mal être collectif vécu par les communautés autochtones et leur taux de suicide pourrait diminuer», a-t-il souligné.

Le coroner a offert plusieurs recommandations dans son rapport.

Il suggère la création d’une «ressource spécialisée» dans les communautés pour gérer les crises suicidaires qui serait disponible sept jours sur sept et 24 heures sur 24 pour aider les personnes en difficulté, qui pourraient aussi rester temporairement dans cet établissement.

Il recommande aussi au Centre intégré de santé et des services sociaux (CISSS) de la Côte-Nord de revoir ses pratiques quant à l’hospitalisation et le traitement de personnes suicidaires. Dans son rapport, il cite notamment le cas d’Alicia Grace Sandy, qui avait reçu son congé lorsqu’une psychiatre avait jugé qu’elle ne représentait plus de danger pour elle-même.

«On peut comprendre qu’une personne peut évoluer et changer son attitude, mais il est difficile de s’expliquer pourquoi une personne en crise suicidaire ne nécessite tout à coup plus de services psychiatriques, quand, deux jours plus tôt, on voulait demander à un juge de la contraindre à l’hospitalisation et aux examens», souligne le coroner.

Me Lefrançois souligne aussi l’importance pour le CISSS de se doter d’un interprète pour bien comprendre les difficultés des patients.

Le coroner suggère également au gouvernement canadien de créer un centre de prévention du suicide autochtone qui offrirait des services dans toutes les communautés autochtones du Canada et de consacrer de nouvelles ressources pour mieux surveiller les activités des individus à risque sur les réseaux sociaux.

Charles Grégoire-Vollant fils, âgé de 24 ans, avait écrit sur Facebook qu’il voulait «faire un truc de fou comme son père» — qui s’était suicidé lui-même quelques années plus tôt. Aucun suivi n’a été effectué par rapport à ce message à l’aide.

Me Lefrançois demande aussi aux gouvernements du Québec et du Canada d’instaurer un service de police sept jours sur sept, 24 heures sur 24 dans la communauté naskapie de Kawawachikamach, d’où une victime était originaire. Il semble que le service de police ne fonctionnait pas en tout temps en raison du manque d’effectifs et de budget, selon le coroner.

«Une communauté doit avoir des premiers répondants en poste en tout temps», soutient-il.

À la demande du ministère de la Sécurité publique, le coroner a lancé une enquête publique en janvier 2016 sur la vague de suicides survenue entre le 10 février et le 31 octobre 2015. Plus d’une trentaine de témoins ont été entendus et des dizaines de documents ont été déposés en vue d’élaborer les recommandations.

Vicky Fragasso-Marquis, La Presse canadienne

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