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Un diable déguisé en prince charmant

Caroline Mathieu a fondé l'organisme Reprendre Mavi pour venir en aide aux victimes de pervers narcissiques. Photo gracieuseté Photo:

VIOLENCE. Il est l’ami, le collègue, et parfois même le conjoint. Il se sent comme un être supérieur, diminue les autres pour se valoriser et ressent un besoin exacerbé de se faire admirer. Connaissez-vous ce genre de phénomène?

La perversion narcissique a été décrite pour la première fois dans les années 1980 par Paul-Claude Racamier, psychiatre et psychanalyste. La personne qui en est atteinte a une image dévalorisante d’elle-même et se valorise en rabaissant les autres. Elle a des traits narcissiques, c’est-à-dire qu’elle exagère son importance, a besoin d’être admirée et elle est indifférente aux besoins des autres. Le côté perversion qu’elle porte aussi ne concerne pas la sexualité, mais plutôt le désir d’emprise et de destruction de l’autre. Ses comportements engendrent différentes formes de violence et génèrent de la souffrance auprès des personnes qui en sont victimes. «Les pervers narcissiques ont besoin d’une victime pour se vider des émotions qu’ils ne peuvent pas supporter, souligne Caroline Mathieu, fondatrice de l’organisme Reprendre Mavi. Ils représentent 9 à 10% de la population. Les hommes et les femmes peuvent en être atteint. Ils manipulent les proches et ne ressentent aucune culpabilité lorsqu’ils blessent les autres.

Séduire pour mieux détruire

Dans une relation de couple, le pervers narcissique charme en utilisant ce que l’autre aime. Il devient un peu comme un caméléon. Graduellement, des petites insultes vont arriver en blagues, puis seront de plus en plus fréquentes. Il n’agit de la sorte qu’avec sa victime, et montre une image parfaite au reste de l’entourage. Cette progression se fait de manière subtile et insidieuse. «Au début de la relation, il est très difficile de savoir qu’on a affaire à une personne comme ça, précise-t-elle. Il est habile à manipuler, et se trouve dans une bulle, son monde, dans lequel il est le roi. Peu à peu, la victime devient mélangée sur ce qui est bien ou pas bien. Elle perd ses repères et son estime d’elle-même, et n’est plus capable de se fier à son jugement. Ses repères deviennent les repères de l’autre. Malheureusement, le prince charmant du début n’existe pas, il n’a jamais existé.» Les victimes peuvent être des hommes aussi bien que des femmes.

Violence conjugale, violence familiale

Les enfants habitant avec un pervers narcissique vivent aussi de la souffrance. «Moi je parle de la violence familiale parce que la situation inclut les enfants, avance-t-elle. Malheureusement, ce qu’ils entendent et voient s’ancrent dans leurs souvenirs d’enfance et cela peut avoir un impact sur de futures relations amoureuses. Quand les parents sont séparés, il est important de montrer un foyer sain, sans violence. L’enfant va ressentir la différence entre les deux foyers, et va développer ses propres perceptions sur les situations qu’il vit.»

Les thérapies psychologiques pour traiter un pervers narcissique semblent peu efficaces, puisqu’il nie en général le problème. De plus, ce trouble n’est pas décrit dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V). Il n’y a donc pas de diagnostic précis. «Le sujet réfère davantage à la psychanalyse et au psyché, et on en parle davantage en Europe. Il y peu de ressources ici.»

Éduquer et sensibiliser

Caroline Mathieu a fondé son organisme il y a quatre ans pour pallier le manque de ressources. Au début, l’objectif était de nommer les tabous et de rendre disponible un site Internet sur le sujet, parce qu’il était difficile d’en trouver. «Je voulais que les victimes sentent qu’elles ne sont pas seules, explique-t-elle. Je voulais les sortir de l’isolement. Et que celles qui ont été victimes sachent qu’elles sont victimes.» L’organisme tend maintenant à étendre son champ d’activités vers l’éducation et la sensibilisation. «En identifiant la problématique, c’est plus facile de s’en sortir. La page Facebook contribue à cet objectif. Sur le site Internet, on y trouve des liens vers de la documentation. Nous offrons aussi des rencontres en personne ou en zoom dans la région, qui servent à partager l’expérience, à ventiler et à obtenir des conseils. Je salue d’ailleurs la sortie médiatique de Laurence Jalbert, qui a beaucoup aidé à sensibiliser la population sur les différentes formes de violence.» Les organismes en violence conjugale, les psychologues et les CLSC peuvent aider les victimes et leur famille à comprendre les différentes formes de violence, à reconstruire leur estime, leurs repères et leur base.

www.pncanada.org

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