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Crimes sexuels contre des enfants à l’étranger: peu de refus de passeports

MONTRÉAL — Même s’il détient ce pouvoir depuis plus de deux ans, Ottawa n’a révoqué ou refusé de passeport que 18 fois afin d’empêcher que des pédophiles canadiens ne commettent des crimes sexuels contre des enfants à l’étranger.

Photo tirée du site amnistie.ca

Ce pouvoir découle d’une modification apportée en 2015 au Décret sur les passeports canadiens.

Il prévoit que «le ministre (de l’Immigration) peut refuser de délivrer un passeport s’il a des motifs raisonnables de croire que cela est nécessaire pour prévenir la commission de tout fait visé au paragraphe 7 (4.1) du Code criminel», soit les infractions d’ordre sexuel, impliquant des enfants à l’extérieur du Canada. Pour le même motif, il peut révoquer ou annuler un passeport.

Ce pouvoir n’a été exercé que 18 fois, selon les chiffres fournis par le ministère fédéral de l’Immigration, alors que pendant ce temps, le nombre de personnes inscrites au Registre national des délinquants sexuels ne cesse d’augmenter.

Uniquement au Québec, il y avait 3862 personnes inscrites au registre en 2012, un chiffre qui a augmenté à 5146 en 2014 et à 6533 en 2016.

Ces totaux comprennent les délinquants inscrits pour les crimes commis envers des enfants, mais aussi envers des adultes. La Gendarmerie royale du Canada, qui gère le registre et qui a fourni les chiffres, dit ne pas pouvoir scinder les deux catégories.

La question n’est pas que théorique: plusieurs Canadiens ayant commis des crimes sexuels contre des enfants à l’étranger ont été attrapés. On peut penser à Ernest Fenwick MacIntosh, arrêté au Népal en 2014 pour agression sur un garçon, et à Donald Bakker, qui a reconnu avoir commis plusieurs agressions sexuelles, dont sept sur des fillettes au Cambodge, âgées de 7 à 12 ans.

Au-delà des frontières (ECPAT-Canada), un organisme sans but lucratif dédié à la protection des enfants, déplore depuis longtemps les limites du système canadien actuel.

Il se désole qu’au pays, ceux qui sont inscrits au registre des délinquants sexuels pour des crimes commis envers des mineurs puissent se rendre incognito en Thaïlande ou dans d’autres pays prisés par les touristes sexuels.

Les délinquants sexuels peuvent voyager, à moins qu’ils ne soient sous le coup d’une probation les empêchant de se rendre à l’étranger ou que les conditions de leur remise en liberté ne les en empêchent. Les personnes inscrites au registre des délinquants pour des crimes commis sur des enfants doivent toutefois aviser les autorités de leurs déplacements.

Un pouvoir discrétionnaire

David Matas, l’un des porte-parole de ECPAT-Canada, souligne que selon la loi canadienne, le ministre fédéral de l’Immigration «peut» révoquer un passeport, mais que ce pouvoir est discrétionnaire. L’organisme souhaite qu’il soit obligé de le faire, sur demande des autorités canadiennes compétentes, comme un juge ou une agence de protection de l’enfance.

C’est d’ailleurs le cas en Australie, depuis de récents changements législatifs.

La loi australienne va même plus loin: elle prévoit que les pédophiles condamnés et inscrits au registre national des délinquants sexuels sur des mineurs ne peuvent quitter le pays sans avoir eu la permission des autorités. À la mi-décembre, il a été interdit à un pédophile australien de quitter le pays. L’homme, qui avait été condamné pour des crimes sexuels contre un ou plusieurs enfants, a dû quitter l’aéroport de Sydney sans pouvoir prendre son vol, rapportait le «New York Times» le 13 décembre.

Le gouvernement australien a relevé que près de 800 pédophiles condamnés et inscrits au registre avaient voyagé à l’extérieur du pays en 2016, dont plusieurs sans en aviser les autorités.

Malgré les demandes de La Presse canadienne, le ministre canadien de l’Immigration, Ahmed Hussen, n’a fourni aucun commentaire sur la situation. Son ministère n’a pas non plus donné suite à la demande visant à obtenir le détail des 18 refus, dans le but de savoir combien il y avait eu de révocations, de refus de délivrance de passeports et d’annulations sur ce total.

 

Stéphanie Marin, La Presse canadienne

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