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Sociofinancement: Virage dans les façons de donner

Par Marie-Pascale Fortier et Monica Lalancette

DOSSIER. Sur Internet et les médias sociaux, ils sont des dizaines à demander l’aide du public pour pallier un événement imprévu ou encore financer un projet. Le sociofinancement: c’est qui et c’est quoi?

(Photo TC Media – Mathieu Galarneau)

Certaines campagnes sont très médiatisées: mentionnons celle pour aider la famille de Marie-Pier Gagné, cette maman happée mortellement sur le boulevard Laurier ou encore celle pour aider le résident de Québec Marc-André Chabot, atteint de cancer.

Il y a un vent de changement dans le philanthropisme derrière le phénomène, croit le professeur Martin Dumas, titulaire de la Chaire Marcelle-Malet sur la culture philanthropique «Cela traduit une multiplication des canaux d’expression philanthropique, en effet. Un philanthrope n’est plus, typiquement, une personne qui signe un chèque adressé à une grande fondation».

Les motivations pour demander de l’aide sont variées: s’offrir des soins de santé, se lancer en affaires, venir en aide à des victimes de sinistre, financer une compétition sportive, lancer un album ou même sauver son animal de compagnie.

Succès assuré?

Toutes ne réussissent pas également, constate-t-on en fouillant un peu sur les plateformes. Pour des campagnes semblables, certaines atteignent leur objectif, alors que d’autres n’y arrivent pas. «Il est démontré par ailleurs que la manière de solliciter un don influence le processus d’octroi des dons, le fait même de solliciter faisant aussi partie de l’équation», explique M. Dumas.
Deux utilisateurs des plateformes GoFundMe et La Ruche ont eu un avant-goût du phénomène. Marc-André Bean a pu amasser tous les fonds nécessaires aux soins vétérinaires dont son animal de 9 ans, Capine, avait besoin. En préparant son annonce, le jeune enseignant avait en tête de mettre toutes les chances de son côté. «Bien-sûr, j’avais bien construit mon annonce : j’ai mis une photo où Capine était vraiment belle et semblait demander l’aide des gens. J’ai écrit un texte à saveur humoristique, mais aussi très touchant dans lequel je racontais toute l’histoire, les sommes dépensées et le diagnostic. J’ai pris soin de bien détailler comment les sommes seraient utilisées et je faisais un suivi de l’état de santé de Capine.» Son opinion après l’expérience est que ce type de campagne «n’est pas destiné à n’importe quelle cause. Dans mon cas, il s’agissait d’une demande d’aide afin de sauver un être vivant. Je crois que ce genre de problématique touche les valeurs de beaucoup de gens qui sont prêts à poser des actions concrètes ou faire des dons».

Le sociofinancement est un tremplin sans pareil pour les affaires, témoigne quant à lui Pascal Guimond qui a démarré un projet de commercialisation de brosses à dents électriques vendues en ligne au moyen d’abonnements sur la plateforme La Ruche. Il n’hésiterait pas à le refaire, mais il faut selon lui avoir fait ses devoirs. «C’est une excellente façon, pour une personne qui a de bonnes habiletés entrepreneuriales de se plonger immédiatement dans le monde des affaires. Cette expérience t’initie rapidement au marketing et te prépare à bien gérer ton stress. Car, oui, c’est très stressant de lancer sa propre campagne», conclut-il.

Deux utilisateurs témoignent

Lorsque son animal de compagnie est tombé malade, Marc-André Bean s’est tourné vers GoFundMe pour trouver du support.

(Photo tirée de GoFundMe)

Ils avaient un projet d’affaires ou encore des dépenses imprévues. Tous deux se sont tournés vers le sociofinancement pour un coup de pouce. Sans cette plateforme, Pascal Guimond aurait dû investir pour valider son projet, tandis que Marc-André Bean songeait à contrecœur à se départir de sa compagne féline malade. TC Media Nouvelles les a questionnés sur leurs motivations et leurs impressions.

TC Media Nouvelles: «Pourquoi vous être tourné vers le sociofinancement?»

Marc-André Bean: «Puisque je suis enseignant et que je n’ai pas une très grande tâche cette année, je ne suis pas vraiment riche… Je ne savais pas comment j’allais pouvoir offrir les soins à mon chat [Capine] et juste au moment où je m’apprêtais à abandonner cette idée, faute d’argent, une amie m’a donné l’idée de faire une campagne de sociofinancement. […] Comme je suis fondamentalement contre l’euthanasie des animaux, j’ai pris la décision de la faire hospitaliser.»

Pascal Guimond s’est servi de la plateforme La Ruche pour promouvoir son entreprise de brosses à dents électriques vendues en ligne au moyen d’abonnements.

(Photo gracieuseté)

Pascal Guimond:«Je crois que c’est une des meilleures façons de faire pour valider son projet d’entreprise. Dans un premier temps, le sociofinancement vous permet de valider l’engouement pour votre produit auprès de vos amis, de vos connaissances et de votre communauté. […] En démontrant leur intérêt à mon projet par un achat sur La Ruche, chaque contributeur  m’aide à financer une partie de ma première commande pour l’achat de mes premières brosses à dents électriques.»

TCMN: «Si vous n’aviez pas eu cette possibilité de financement, qu’auriez-vous fait?»

Marc-André Bean: «J’avais exploré la possibilité de donner Capine à une autre famille d’accueil qui accepterait d’en prendre soin. […] Si elle avait besoin de soins et que je ne pouvais pas lui offrir, je devais la donner en adoption. Même si j’ai pensé quelques fois qu’il s’agissait de la seule option qui me restait, je ne voulais vraiment pas la faire euthanasier.»

Pascal Guimond: «Premièrement, pour valider mon idée d’entreprise, j’aurais été dans l’obligation de payer des firmes de sondage spécialisées en études de marché et de valider l’intérêt par le biais de ces sondages. […] Deuxièmement, j’aurais dû faire affaire avec des institutions financières pour avoir des ressources de base pour partir mon projet.»

TCMN: «Décrivez la gamme d’émotions que vous avez ressenties dans le processus de dons du public?»

Marc-André Bean: «Je ne m’attendais même pas à accumuler 100$ et j’en ai amassé près de 1500$! […] Parmi les donateurs se trouvaient bien sûr plusieurs amis qui savaient ce que représentait mon chat pour moi, mais aussi beaucoup de gens que je ne connaissais pas qui partageaient les mêmes valeurs que moi par rapport à l’euthanasie et les animaux de compagnie.»

Pascal Guimond: «Au début, c’était l’euphorie! […] En 7 jours à peine, j’étais déjà à 42% de l’objectif fixé sur La Ruche. À ce moment, je n’avais aucun doute: j’allais atteindre mon objectif de 6000$. Par la suite, il y a eu un ralentissement, donc un peu plus de stress et une motivation forte de faire bouger les choses. […] La Ruche m’avait bien préparé à ce moment en me disant que c’était là que le marathon commence.»

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