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Le député Pierre Paul-Hus fait une déclaration controversée sur Omar Khadr

CONTROVERSE. Ce n’est «pas pour rien» qu’Omar Khadr s’est retrouvé à Guantanamo, où il a subi «une torture entre guillemets», a suggéré le conservateur Pierre Paul-Hus, promettant de réclamer des comptes dès la rentrée parlementaire sur le règlement intervenu la semaine passée.

Pierre Paul-Hus a suggéré que M. Khadr a subi une «torture» entre guillemets. (Photo gracieuseté)

Le porte-parole associé de l’opposition officielle en matière de défense a affirmé lundi ne pas saisir pourquoi les libéraux se sont «mis à genoux» et versé «en cachette» des millions de dollars sans qu’une décision spécifique d’un tribunal ne l’y oblige.

Le gouvernement canadien devait admettre qu’il avait une part de responsabilité, certes, mais il n’avait pas à aller jusqu’à signer un tel chèque à Omar Khadr, a-t-il soutenu, avant de se questionner à voix haute sur la gravité des sévices qui ont été infligés à celui qui était encore un adolescent pendant sa détention.

Le citoyen canadien capturé en Afghanistan en 2002 a eu droit, alors qu’il était incarcéré dans la geôle américaine située à Cuba, à ce que l’on appelait le «programme grand voyageur», une privation de sommeil représentant une forme de torture.

«On parle de torture, mais c’est quoi, la torture… Je ne pense pas qu’il y a eu de la torture comme on l’imagine. Les gens s’imaginent une torture, genre rentrer une aiguille en dessous d’un ongle, je ne pense pas que personne a fait ce genre de chose-là», a-t-il plaidé.

L’élu de la région de Québec s’est défendu de chercher à «banaliser ce qui s’est fait» dans la prison américaine de Guantanamo Bay, affirmant qu’«empêcher quelqu’un de dormir, c’est de la torture, c’est une forme de torture mentale».

«Ils n’ont pas le droit de le faire et ça n’aurait pas dû être fait, on s’entend. Mais le problème, c’est que lui non plus (Omar Khadr) n’avait pas à le faire (le geste qu’il a été accusé d’avoir posé sur le champ de bataille afghan)», a tranché M. Paul-Hus.

Le Canadien avait 15 ans lorsqu’il a été capturé par les troupes américaines lors de la guerre en Afghanistan. Accusé d’avoir lancé une grenade ayant tué le soldat américain Christopher Speer, il a fini par conclure une entente avec un tribunal militaire américain pour rentrer au Canada.

«Nous, on prend pour acquis qu’il l’a fait, parce que, un, il ne s’est pas ramassé à Guantanamo pour rien, et deux, il l’a avoué», a offert le député conservateur, disant que l’ancien détenu aurait bien pu se contenter, en guise de compensation, de son rapatriement au Canada.

Or, des aveux obtenus sous la torture, en plus d’être «non crédibles et inutiles» en matière de renseignement, «sont inutilisables en cour, ce qui explique l’imbroglio de Guantanamo», souligne Fannie Lafontaine, professeure titulaire à la faculté de droit de l’Université Laval.

Et les tribunaux ont établi que la privation extrême de sommeil comme celle qu’a subie Omar Khadr constitue «clairement de la torture», mentionne la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux.

Présenter cela comme de la torture «entre guillemets» équivaut à «banaliser» ces gestes, estime Mme Lafontaine. «Ça n’existe pas, la torture « light » (…) On ne parle pas juste d’une nuit, on parle de trois semaines avant les interrogatoires dans le cas d’Omar Khadr.»

 

Motion Khadr à l’automne

Le député Paul-Hus a ainsi ajouté lundi son grain de sel au débat qui fait rage depuis des jours et que les conservateurs ne comptent visiblement pas laisser s’étioler dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Le chef de la formation, Andrew Scheer, a annoncé samedi à Calgary que ses troupes déposeraient à la première occasion une motion sur l’entente conclue entre le gouvernement et Omar Khadr afin de forcer l’ensemble de la députation libérale à prendre position.

«On voit très bien qu’il y a plusieurs députés libéraux qui sont mal à l’aise avec le dossier», a avancé Pierre Paul-Hus, soutenant que l’objectif de la démarche conservatrice n’est «pas nécessairement pour faire des gains politiques».

Le gouvernement libéral a présenté vendredi des excuses officielles et confirmé le versement d’une compensation financière au citoyen canadien dont les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ont été bafoués.

En marge du sommet du G20 à Hambourg, samedi, le premier ministre Justin Trudeau a plaidé que l’entente n’avait «rien à voir avec ce que Khadr a fait, ou non» en Afghanistan il y a une quinzaine d’années.

«La Charte protège tous les Canadiens, chacun d’entre nous, même quand c’est inconfortable», et «lorsque le gouvernement viole les droits d’un Canadien, nous finissons tous par payer», a-t-il fait valoir en conférence de presse à l’issue de la rencontre internationale.

Imposer la ligne de parti?

La plateforme électorale du Parti libéral stipule que tous les membres du caucus peuvent voter librement en Chambre, sauf lorsqu’il s’agit, notamment, de «questions touchant nos valeurs communes et les protections garanties par la Charte canadienne des droits et libertés».

Le bureau du premier ministre n’a pas confirmé lundi si la ligne de parti serait imposée dans le cas d’un éventuel vote en Chambre sur le règlement dans le dossier de M. Khadr. La demande de La Presse canadienne a été redirigée au bureau du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

Son porte-parole, Scott Bardsley, n’a pas plus répondu à la question, mais il a écrit dans un courriel que le précédent gouvernement conservateur, «au lieu de défendre les droits d’un citoyen canadien, a fait de lui une pomme de discorde pour marquer des points politiques» et que les conservateurs continuent à le faire «jusqu’à ce jour».

Le chef Scheer a qualifié l’entente de «gifle en pleine figure pour les hommes et les femmes en uniforme». Son prédécesseur, Stephen Harper, a reproché au gouvernement de «passer le blâme concernant sa décision de conclure une entente secrète avec Omar Khadr».

Le ministre Goodale avait expliqué vendredi dernier qu’Ottawa n’avait aucune chance de remporter la poursuite de 20 millions $ intentée par l’ex-prisonnier. Les détails de l’entente n’ont pas été divulgués, mais plusieurs médias, dont La Presse canadienne, ont appris qu’Omar Khadr a reçu 10,5 millions $.

Selon un sondage de l’institut Angus Reid dont les résultats ont été rendus publics lundi, la décision du gouvernement Trudeau déplaît à une large majorité des répondants. Plus du deux tiers d’entre eux, soit 71 pour cent, sont d’avis que les libéraux auraient dû aller jusqu’au bout des procédures judiciaires.

L’enquête d’opinion a été réalisée entre le 7 et le 10 juillet auprès de 1521 adultes Canadiens membres d’un panel en ligne. Un échantillon probabiliste de cette ampleur comporterait une marge d’erreur de 2,5 points de pourcentage, 19 fois sur 20.

Mélanie Marquis, La Presse canadienne

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