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Qui protège le patrimoine?

(Photo Métro Média - Alain Couillard) Photo: (Photo Métro Média - Alain Couillard)

État des lieux sur les bâtiments à valeur patrimoniale à Québec: patrimoine en danger

BÂTIMENTS. Au Québec, on s’inquiète de voir le patrimoine plutôt récent diminuer, un bâtiment à la fois. La consternation devant la démolition récente de l’église Saint-Cœur-de-Marie, malgré sa valeur patrimoniale avérée, se fait toujours sentir auprès de la population. Comment préserver le patrimoine bâti sur le territoire de la Ville de Québec? Quelles sont les pistes de solutions proposées? Voici un tour d’horizon de l’état du patrimoine dans la capitale.

 

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Bâtiments d’importance démolis au cours des années

La Ville de Québec n’a pas été en mesure de fournir à Métro Média une liste exhaustive des bâtiments à valeur patrimoniale qui ont été démolis ces 20 dernières années sur le territoire de la Capitale, malgré deux demandes d’accès à l’information. «Nous n’avons pas de liste, nous ne tenons pas de tel registre», s’est-on fait répondre. Après la deuxième demande d’accès, l’administration municipale a cependant fourni une liste de l’ensemble des permis de démolition octroyés par la Ville en juillet et août 2019, sans égard à la valeur patrimoniale du bâtiment. Comme suggéré par la Ville, il a fallu corréler manuellement l’adresse des 19 propriét

La Maison Déry avant sa démolition.

és bientôt démolies sur le site internet du patrimoine de la Ville afin de savoir si elles étaient répertoriées au patrimoine municipal. Résultat : sur les 19 adresses, trois permis délivrés concernent des bâtiments à valeur patrimoniale. Il s’agit de la Maison des Pasquier, située au 9354, boulevard Saint-Jacques, dont la valeur patrimoniale est cotée «Bonne», ainsi que le 7925, boulevard Wilfrid-Hamel, dont la valeur est également évaluée

La Maison Déry pendant sa démolition.

comme «Bonne», selon le site internet. Enfin, un bâtiment du 217, rue Saint-Honoré à Beauport, a obtenu un permis de démolition, malgré une valeur patrimoniale évaluée comme «Faible».

Ces dernières années, en plus de l’église Saint-Cœur-de-Marie, on peut citer des dossiers qui ont fait parler comme la démolition du Centre Durocher dans Saint-Sauveur, ou encore la maison Déry à Charlesbourg. Les propriétaires de ces demeures ancestrales ne peuvent ou ne veulent pas mettre les moyens pour entretenir ou rénover leurs biens, ce qui entraîne une détérioration significative du bâtiment qui, parfois, n’a d’autre issue que de se faire démolir.

Pistes de solution

En ce qui concerne le patrimoine religieux, «lorsque la communauté religieuse vend avec une clause pour la préservation du bâtiment, c’est une façon de le protéger, croit Renée Genest, directrice générale chez Action Patrimoine. Mais toujours si le promoteur est bien intentionné». Pour l’organisme à but non lucratif, la sensibilisation auprès des citoyens et des élus municipaux est l’une des clés. Selon eux, une réflexion globale autour de la réutilisation et la réhabilitation de bâtiments est nécessaire.

Le choix de réserver une enveloppe substantielle à la reconversion ou la réfection de sept églises sur son territoire dans sa plus récente Vision du patrimoine permet aussi à l’administration municipale de protéger le patrimoine religieux local.

«Le façadisme peut être bien intégré. Mais ce n’est pas une façon de préserver car cela dénature le bâtiment. Idéalement, il faudrait garder sa volumétrie», souhaite Mme Genest.

L’ancienne église de Saint-Denys-du-Plateau, sur la route de l’Église, est passée du culte à la culture après avoir été convertie en 2013 pour devenir la bibliothèque Monique-Corriveau. (Photo Métro Média – Archives)

«Les municipalités n’ont aucune obligation de protéger leurs immeubles patrimoniaux, dénonce Charles Breton-Demeule, avocat et administrateur à la Société d’histoire de Québec, alors qu’il rappelle que les biens patrimoniaux définissent l’identité distincte du Québec et sont donc essentiels à l’identité collective. Quand on parle de protection d’un bâtiment, les gens ont tout de suite l’idée d’en faire un musée. Alors que pourtant, il est possible d’y vivre ou d’offrir une offre commerciale tout en gardant le patrimoine bâti», soutient l’avocat.

Pourquoi ne pas accorder un statut de protection dès qu’un bien est inventorié? Pour lui, c’est la solution qui découle d’une véritable volonté de protéger le patrimoine. «Les possibilités sont là et elles existent. On peut profiter du potentiel commercial pour transformer un lieu patrimonial en commerce», croit-il, citant pour preuves des reconversion réussies de bâtiments patrimoniaux comme la bibliothèque Monique-Corriveau ou encore la Maison de la littérature dans le Vieux-Québec, qui sont, à son sens, des réutilisations payantes pour une Ville.

En ce qui concerne le patrimoine religieux, M. Breton-Demeules rappelle que ce sont les gens et l’État qui ont financé les églises et les biens religieux. «Il faut s’en rappeler pour avoir une vision à long terme et penser aux répercussions de nos décisions», exprime-t-il.

«Le façadisme peut être bien intégré. Mais ce n’est pas une façon de préserver car cela dénature le bâtiment. Idéalement, il faudrait garder sa volumétrie» -Renée Genest

Différentes mesures peuvent être mises en place pour préserver un bâtiment

-Au niveau municipal, une citation au patrimoine est une mesure de protection légale qui permet d’encadrer les travaux de restauration d’un bâtiment, par exemple, pour une demande de revêtement extérieur. La citation municipale n’est cependant pas une garantie de ne pas démolir.

-Le classement gouvernemental est une mesure de protection supplémentaire, mis en place par le ministère de la Culture et des Communications, pour un bien dont la protection, la mise en valeur ou la transmission présente un intérêt public.

L’ancienne église de Boischatel a fait place à un projet de condos de style contemporain: Les Condominiums Marquis de Montcalm. (Photo Métro Média – Julie Rose Vézina)

Vision du patrimoine de la Ville de Québec

Dans sa plus récente Vision du patrimoine qui va jusqu’en 2027, la Ville résume sa pensée ainsi: «En 2027, le patrimoine de Québec sera plus que jamais une source d’identité, de fierté et de créativité. Tous contribueront à mieux le connaître, à le préserver, à le valoriser et à le transmettre de façon réfléchie, dynamique et originale». Parmi les engagements que l’administration municipale a pris, elle mentionne entre autres «considérer le patrimoine dans l’ensemble des actions de la Ville, inscrire le patrimoine dans le quotidien de chaque citoyen, soutenir les propriétaires dans le maintien de leurs bâtiments patrimoniaux ou encore encourager la créativité et l’innovation, tout en préservant l’esprit du lieu». L’ensemble de la Vision du patrimoine est disponible à l’adresse internet www.ville.quebec.qc.ca/publications/docs_ville/vision_patrimoine.pdf

 

Le Couvent des Rédemptoristines de Sainte-Anne-de-Beaupré. (Photo Métro Média – Julie Rose Vézina)

Le cas de La Villa Livernois

La Villa Livernois, laissée à l’abandon depuis quelques années et même parfois squattée, faisait jusqu’à tout récemment partie d’un projet de construction d’un bâtiment regroupant une quarantaine de logements, répartis sur cinq étages. Les promoteurs Maryse Laurendeau et Bernard Poitras, des Immeubles Vivo de Québec, voulaient également assurer la pérennité du bâtiment patrimonial dont la mise à niveau représente un investissement de 800 000$.

L’ensemble du projet, présenté en juin, totalisait un investissement de 7,5 M$. Au fil des dernières années, cinq projets ont été étudiés ou déposés à la Ville de Québec pour revitaliser ce site historique.

Dimanche 15 septembre, un incendie a détruit la maison centenaire. Le promoteur devra revoir son projet de A à Z puisque la conservation du bâtiment n’est plus une option. (A.C.)

La Villa Livernois, à une autre époque, a été incendiée le dimanche 15 septembre. (Photo Métro Média – Archives)

 

 

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