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Adoption : Bien vivre ses retrouvailles

Nancy Walsh, adoptée à l’âge de cinq mois, a pu retrouver sa famille d’origine grâce à la loi 113. Photo: (Photo Métro Média – Perrine Gruson)

QUÊTE. Lucie Bourdeau a vécu des retrouvailles avec sa famille d’origine il y a 20 ans. Mue par le désir d’outiller les personnes adoptées qui souhaitent entamer cette démarche, elle a écrit le livre Les retrouvailles en adoption, édité par une maison d’édition de Québec, Les Éditions Card.

Psychologue de formation, Lucie Bourdeau a longtemps été consultante en retrouvailles au Centre jeunesse. «Les personnes que je rencontrais allaient à des retrouvailles sans préparation alors que c’est un événement très marquant. On vit une relecture de notre histoire et un travail psychologique et émotif intense», explique Mme Bourdeau.

De là est venu le désir d’outiller et de préparer ces personnes aux montagnes russes qu’elles s’apprêtaient à vivre. Le livre est conçu comme un guide, autant dans les démarches à entreprendre (comment prendre contact avec sa famille biologique), que les émotions ressenties (attentes réalistes vis-à-vis de la rencontre), par exemple. Les parents adoptifs et la mère d’origine de l’auteure étaient d’ailleurs présents au lancement.

Qu’est-ce qui est le plus important à retenir dans tout le processus? «Il faut travailler les attentes qu’on a envers les retrouvailles, et aussi, respecter le rythme du plus lent des deux», fait valoir Mme Bourdeau.

La psychologue part du principe qu’un processus de retrouvailles est toujours positif des deux côtés.

«Les mères d’origine n’ont jamais oublié leur enfant», croit-elle. De sa propre expérience, la plupart des mères consultées pour savoir si elles seraient intéressées aux retrouvailles avec leur enfant disaient oui. Selon la psychologue, il y a davantage de refus des mères d’origine lorsque le conjoint de l’époque n’avait pas été mis au courant de la grossesse.

Apports et faiblesses de la loi 113

«Le gros point gagnant de la loi 113, c’est qu’on peut avoir le nom de sa mère d’origine un an après son décès», se réjouit Lucie Bourdeau. Cependant, elle déplore ce qu’elle appelle le «côté protectionniste» de la loi, puisque les dossiers des mères et des personnes adoptées ne sont pas ouverts et accessibles au public contrairement à toutes les autres provinces canadiennes. La psychologue déplore aussi que les mères d’origine soient mises au courant des recherches de leur enfant biologique et qu’elles aient une deuxième possibilité de placer un véto de contact, puisque cette option est déjà offerte en tout temps aux mères ayant fait adopter leur enfant.

La loi 113 en bref

La loi 113 permet aux enfants adoptés de connaître le nom de leurs parents si ceux-ci sont décédés depuis un an ou plus. La divulgation d’information se fait même si les parents avaient demandé à rester anonymes. Pour les parents en vie, la loi a mis un délai de carence d’un an, permettant aux parents de mettre un véto de divulgation. Les enfants adoptés dont les parents sont vivants ne pourront donc connaître leur identité qu’à partir de juin 2019, si le parent accepte. Cependant, le sceau de divulgation sera levé à leur décès.

300 000 orphelins adoptés entre les années 1920 et 1970 sont concernés par cette loi.

Le livre de Lucie Bourdeau se veut un guide d’accompagnement au processus de retrouvailles.

À la découverte du mystère de sa naissance

Nancy Walsh, 63 ans, a été adoptée à l’âge de cinq mois. Grâce à la loi 113, elle a pu retrouver sa famille d’origine qui savait depuis toujours qu’elle existait et qui lui a réservé un accueil chaleureux qu’elle était loin de soupçonner.

En 1955, Nancy Walsh naît à la crèche Saint-Vincent-de-Paul, à Québec, d’une mère et d’un père de 40 ans tous deux célibataires, comme elle le découvrira plus tard dans son dossier d’adoption.

«J’ai appris à sept ou huit ans par une tante que j’avais été adoptée. Mais cela ne m’avait pas traumatisée, raconte-t-elle. Je disais: mes parents, moi au moins, ils m’ont choisie». Par la suite, elle a toujours parlé ouvertement de son adoption avec ses parents.

Fille unique, elle croit qu’elle n’aurait pas pu tomber dans une famille plus aimante et avoir meilleure éducation. «En 1986, il y a eu l’émergence du mouvement retrouvailles, j’étais une jeune adulte et bien curieuse de découvrir qui était ma mère», fait-elle valoir.

Elle a alors accès à son dossier de naissance qui lui a donné quelques informations sur ses parents, comme leur âge et leur situation sociale. À l’époque, elle apprend seulement que sa mère décède quelques mois après sa naissance. «Ça ne m’a pas particulièrement ébranlée, je m’y attendais», relate-t-elle.

En juin 2018, avec la mise en vigueur de la loi 113, Nancy Walsh se dit qu’enfin, elle va avoir davantage de réponses. «J’ai fait ma demande  et au mois de septembre, j’ai eu un téléphone. J’ai appris que ma mère s’appelait Germaine Filteau, indique la retraitée qui réside à Sainte-Foy. Malheureusement, la loi n’est pas parfaite, ils ne disent que le nom, aucun autre indice, ni la date de naissance, ni la date de décès», déplore-t-elle.

Le début d’une quête

S’en suit alors le début des recherches de la sexagénaire, à l’aide d’amies calées en généalogie. Elle découvre grâce à une liste électorale de l’époque, que sa mère d’origine habite avec sa sœur Ghislaine. De fil en aiguille, elle trouve le nom de ses cousines. Elle apprend alors que celles-ci ont toujours eu connaissance de son existence parce qu’une de ses tantes voulait l’adopter à l’époque. Le 20 novembre dernier, la famille d’origine de Nancy Walsh lui a organisé des retrouvailles. «Ils étaient 24. Je ne pensais pas que ça se pouvait des personnes aussi ouvertes et accueillantes, c’est comme si j’avais toujours été l’une des leurs. J’ai même une cousine qui a gardé une carte mortuaire lors des funérailles de ma mère et qui pensait me la donner quand elle me retrouverait. C’est chose faite!», confie Mme Walsh, qui a d’ailleurs ladite carte dans son portefeuille avec la photo de sa mère adoptive décédée il y a quelques années.  Ses cousins et cousines lui ont fait un cahier de documents d’archives avec des photos de sa mère. «C’est merveilleux tout ça. J’ai des réponses à beaucoup de questions, je connais maintenant mes origines. Il me reste à connaître le nom de mon père», fait-elle savoir.

Malgré la vie plutôt douce qu’elle a eu auprès de sa famille adoptive, Nancy Walsh définit sa situation ainsi: «J’ai eu une vie professionnelle, une vie familiale, une vie personnelle bien remplies et épanouissantes. Et pourtant, le mystère de ma naissance avait toujours laissé un énorme vide, c’est difficile à expliquer».

Nancy Walsh n’aurait pu rêver mieux comme retrouvailles avec sa famille d’origine.

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