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Personnes à besoins atypiques, un bassin de candidats délaissé par les employeurs

L’autrice rappelle que les personnes à besoins atypiques ne constituent pas une «population homogène» et qu’il a «autant de particularités que d’individus.» /Image gracieuseté Photo: Photo 123RF

MAIN D’OEUVRE. Alors que le Québec enregistre un sixième recul mensuel consécutif du taux de chômage dans la province, l’accentuation de la pénurie de main-d’œuvre plane pour les mois à venir sur les entreprises locales. Claudia Grenier, conseillère d’orientation chez Trajectoire-emploi et autrice du guide Différents et compétents suggère pour lutter contre ce phénomène de se tourner vers un bassin de candidats bien souvent impopulaire auprès des employeurs, les personnes à besoins atypiques (PBA).

Regroupés sous l’acronyme PBA, les profils de ces individus sont pluriels. «C’est beaucoup de monde, s’exclame-t-elle. Il s’agit de toutes personnes dont les comportements ne correspondent pas tout à fait aux attentes que l’on aurait d’un employé standard.». Sont ainsi démystifiées les personnes ayant des problématiques neurodéveloppementales ou encore psychosociales, allant des personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs en passant par l’autisme mais aussi des personnes avec un passé de dépendance, d’addiction ou de délinquance.

Forte de son expérience, l’autrice a constaté que les entreprises étaient généralement réticentes à engager ces individus au parcours professionnel et personnel parfois complexe. «C’est un frein. Ce que l’on constate c’est que bien qu’ils soient aptes à travailler, la plupart de ces personnes n’arriveront pas à se placer. C’est un enjeu pour les employeurs mais surtout pour les personnes à besoins atypiques», constate celle qui milite pour l’intégration de ces individus au sein de la communauté active québécoise.

Une solution à la pénurie de main-d’œuvre

Un sondage mené par le Conseil du patronat du Québec auprès de ses membres révèle que 94 % des entreprises québécoises font face à un enjeu de main-d’œuvre. Toujours dans ce même sondage, et malgré le fait que l’immigration soit le choix privilégié par les répondants, il en ressort que 12.3% des employeurs intègrent comme solution d’offrir davantage de soutien pour les bassins dits non traditionnels.

Un constat qui vient renforcer le postulat de l’autrice, selon lequel le recrutement de ces candidats serait une solution pérenne à la rareté des travailleurs dans la province. «C’est assurément un des moyens qui peut être considéré. La situation est toujours extrêmement précaire au niveau de la main d’œuvre, ça prend des solutions et s’en est une que je trouve excellente. Ça amène un côté beaucoup plus humain à l’entreprise sans pour autant écraser la productivité» a-t-elle soutenu.

Mario Forgues est directeur en approvisionnement au sein de l’entreprise Teknion Roy & Breton Inc, une entreprise basée à Québec et experte en confection de meubles. Il a concrétisé l’expérience du recrutement auprès de ce public et a écrit la préface du guide. «Les gens que nous accueillons sont des gens dévoués, honnêtes, qui veulent le bien de l’organisation, explique-t-il. Leur ambition à bien faire les choses est grande, ce que l’on ne voit parfois pas chez les employés dits “normaux”.»

Déconstruire les préjugés et prendre le temps

Face à la course au rendement et à la productivité, ce public singulier souffre d’une impopularité auprès des employeurs. Trop de temps pour la formation et moins de rendement sont des motifs soulevés par les dirigeants, ce qui empêche ces individus d’accéder au marché du travail. « Pourtant, en prenant la situation à l’inverse et en se disant qu’il faut prendre du temps maintenant pour en gagner au final, ces postes seraient comblés. Et il n’y a rien de moins rentable que des postes inoccupés pour un employeur» explique la spécialiste.

Dans son guide, Claudia Grenier suggère plusieurs outils pour adapter le milieu salarial des entreprises à l’accueil des personnes à besoins atypiques.

«Il y a des compétences présentes qui sont à la hauteur des attentes seulement si les employeurs prennent le temps. Ces personnes ont fait face à des échecs et on constate qu’il y aurait juste besoin de ce petit coup de main, une attention à leur condition pour que ça fonctionne», estime-t-elle.

Pour elle, il est nécessaire que les entreprises visualisent au-delà de la «problématique» physique ou intellectuelle en amont pour déterminer le potentiel de ces candidats. Mario Forgues corrobore ce constat. «Il faut mettre plus de temps dans leur formation, il faut s’adapter plus que la moyenne. Mais à la fin, si on a bien fait les choses, on va en tirer des revenus, une profitabilité qui va être égale ou supérieure à une autre personne», fait-il remarquer. Pour lui, cette adaptation implique également la préparation de l’équipe de travail déjà en place. «Il faut annoncer qu’une personne avec des besoins atypiques va arriver et qu’elle va avoir besoin de support, c’est une priorité de l’entreprise, assure-t-il, tout en indiquant que l’investissement en terme de temps sera bonifié par le bénéfice de ce travailleur sur le long terme.

Dans le guide, Claudia Grenier offre son expertise avec à l’appui des outils concrets pour accueillir des personnes avec des besoins atypiques comme la mise en place d’un mentorat soutenu ou encore de s’entourer des compétences d’un conseiller en intégration, «la limite c’est la créativité de l’employeur et de l’équipe en place pour trouver des outils et des solutions», conclut-elle.

 

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