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Espionnage, sécurité et plaisir: incursion dans le monde de la radioamateur

PORTRAIT. Pendant un moment, on n’entend que des grésillements. Michel Landry tourne de plus belle la roulette du récepteur. Un filet de voix s’échappe furtivement des haut-parleurs avant de disparaître dans le brouillage sonore. Sa main s’arrête, refait au ralenti le voyage inverse pour syntoniser la communication. «Tiens, on dirait de l’arabe», constate le président du Club de radioamateur de Québec (CRAQ).

Par l’intermédiaire des ondes radio de son récepteur, Michel Landry a établi des contacts jusqu’en Mongolie, au Japon, à l’île de La Réunion et en Corée du Sud. Et en Corée du Nord?, qu’on lui demande avec le sourire. «Ils l’apprendraient, je risquerais d’avoir des ennuis», répond-il sur le même ton.

Ce n’est pas si différent ici, remarquez. Industrie Canada veille au grain. Elle soumet les radioamateurs à un examen rigoureux dont la réussite est couronnée par un permis de communiquer sur les ondes radio. Leur licence s’accompagne d’un indicatif d’appel. Quand il explore les ondes de ce monde, Michel Landry devient ainsi VE2MY, une identité qu’il est tenu de décliner au moins toutes les 30 minutes. «On ne peut pas transmettre n’importe quoi n’importe comment. Sinon, le gouvernement, la GRC cogne à la porte», rapporte-t-il en évoquant un cas récent au Québec.

Matière à roman

L’anecdote a quelque chose du récit d’espionnage. Le président de la CRAQ en confirme le potentiel: «Quand c’est une voix de femme qui ne s’identifie pas et qui envoie des groupes de chiffres, on sait que c’est un code.» Mais il coupera court à nos scénarios de complots internationaux. «L’espionnage, c’était surtout pendant la Guerre froide; aujourd’hui, c’est plus rare.»

On insiste: n’a-t-il pas déjà entendu des choses qu’il n’aurait pas dû? «Comme amateur, non, mais dans mon métier, oui, précise celui qui, dans une autre vie, a été inspecteur de la radio pour le gouvernement du Canada. J’en ai entendu des drôles et des pas drôles. J’étais payé pour ça.» Autant dire qu’on n’est jamais seul sur les ondes radio. De quoi favoriser la paranoïa, non? «Certains doivent l’éprouver», convient Michel Landry en riant.

Sécurité civile

Toujours est-il que comme métier ou comme loisir, les ondes radio, c’est du sérieux. C’est le moyen de communication qu’il nous restera quand Internet et les cellulaires feront défaut. Lors de la crise du verglas en 1998, ce sont les radioamateurs qui ont assuré les communications pendant les premiers jours d’une catastrophe qui paralysait les canaux habituels. Si un cataclysme venait à frapper Québec, l’ancien résident de Charlesbourg fait partie des membres du CRAQ susceptibles d’intervenir en vertu d’un protocole signé avec la Ville de Québec et la Croix-Rouge.

Aussi le président ne voit-il pas la fin du radioamateur, même si sa popularité a déjà eu meilleure mine. Aujourd’hui, pour syntoniser une radio de langue arabe, pas besoin de tourner de roulette: Internet nous livre le monde dans un clic de souris. Mais où est le challenge?, dira Michel Landry. Le radioamateur, «il lui faut chercher, avoir des connaissances, se creuser la cervelle». Il est là, l’attrait, et dans la fierté de recevoir une réponse à son «bonjour» lancé à l’autre bout du monde.

À lire aussi : La petite histoire du Club de radioamateur de Québec

Québec Hebdo

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