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Le phénomène de gentrification inquiète dans Saint-Sauveur

Les membres du Comité citoyen.nes du quartier Saint-Sauveur organisent régulièrement des actions afin de manifester contre la gentrification du quartier. (Photo Métro Média – Léa Harvey) Photo:

LOGEMENT. Augmentation des loyers, «rénovictions», reprise de logements, le quartier Saint-Sauveur fait actuellement face à un phénomène de gentrification important. Les logements abordables disparaissent et une nouvelle identité se dessine pour ce secteur de moins en moins populaire. Le Comité citoyen.nes du quartier Saint-Sauveur, comme beaucoup d’organismes communautaires, se mobilise afin de dénoncer cette situation.

Si Saint-Sauveur fait face à une crise du logement importante, le quartier traverse aussi un phénomène de gentrification. Ce dernier entraîne une hausse importante du coût des loyers défavorisant ainsi les citoyens plus vulnérables qui habitent le quartier. «Il y a tout un phénomène qui s’est créé autour de «Saint-Sô» qui fait en sorte que les gens qui achètent des propriétés ici les paient trop chers par rapport à ce que leurs locataires paient. Ils décident donc de faire des rénovations pour augmenter le prix de leurs loyers. Les locataires sont donc mis à la porte d’une façon ou d’une autre et ont de la difficulté à se reloger», explique Éloïse Gaudreau, animatrice-coordonnatrice pour le Comité citoyen.nes du quartier Saint-Sauveur.

Dans Saint-Sauveur, les nouvelles constructions et les immeubles rénovés contrastent avec les anciens bâtiments. (Photo Métro Média – Léa Harvey)

Ce que dénonce le comité citoyen, c’est aussi l’arrivée des «commerces de destination». Dans Saint-Sauveur, les petits commerces abordables pour tous ont tranquillement cédé leur place à des endroits nichés. La petite épicerie asiatique a été remplacée par un restaurant gastronomique, le local où était autrefois située la coiffeuse du quartier est dorénavant occupé par un café huppé. «Plus ça change, plus on parle à des citoyens qui n’ont pas accès aux commerces de leur quartier parce que ceux-ci ne répondent plus à leur besoin», déplore Éloïse Gaudreau.

Louis-Pierre Beaudry, étudiant au doctorat dont la thèse porte sur la dynamique socioéconomique de Québec, affirme lui aussi qu’une gentrification commerciale peut amener une certaine exclusion sociale et une perte de «repères de socialisation». L’expert amène cependant une nuance quant aux rues commerciales de la basse-ville. «Les commerces ne visent pas seulement à combler les besoins des résidents du quartier, mais visent souvent à ratisser plus large. C’est notamment le cas de la rue Saint-Joseph, historiquement un pôle d’attraction commerciale à l’échelle de la ville que l’on souhaite cultiver comme tel, en plus d’y attirer les travailleurs. Les « occupants du territoire » dépassent largement les seuls « résidents »» souligne-t-il.

Un enjeu de mixité sociale?

Un autre impact négatif de la gentrification, c’est aussi la diminution de mixité sociale dans le secteur. Pour Louis-Pierre Beaudry, la question de mixité sociale est régulièrement abordée comme un faux-débat au sein de la ville. «Je crois que nous faisons preuve d’une grande hypocrisie quand nous parlons de mixité sociale : il s’agit toujours d’attirer des ménages plus aisés dans des milieux défavorisés, mais jamais le contraire. Les résidents des milieux aisés ont tendance à se battre farouchement pour préserver leur privilège et ce qu’ils perçoivent comme donnant de la qualité à leur milieu de vie. L’opposition à la densification qu’on observe dans les proches banlieues (Sainte-Foy, Sillery, etc.) […] est un exemple typique de ce genre de comportement», affirme l’expert.

Selon Éloïse Gaudreau, les nouveaux citoyens qui décident de s’installer dans Saint-Sauveur sont de moins en moins tolérants face à la clientèle plus vulnérable qui habite déjà le quartier. «En déménageant dans Saint-Sauveur, il faut avoir un certain seuil de tolérance. Saint-Sauveur, oui, il y a des gens défavorisés, ça ne veut pas dire qu’ils sont tous des bandits pour autant. La richesse de Saint-Sauveur, c’est sa mixité. C’est important de préserver ce vivre ensemble-là», souligne Éloïse Gaudreau.

La gentrification dans la ville de Québec, comme dans bon nombre de villes occidentales, n’est pas un enjeu simple à régler. Louis-Pierre Beaudry reste cependant positif face à l’avenir. «Le côté « positif » de ça, s’il y en a un, c’est que ça témoigne d’une valorisation de la vie en ville, en contrepoint de l’hégémonie de la vie en banlieue. Si nous réussissons à créer des environnements de vie urbains, denses et inclusifs pour différents types de ménages, nous allons pouvoir diminuer l’ampleur de la gentrification et en même temps freiner l’étalement urbain. Par contre, pour ça, il faut s’assurer que le développement immobilier inclut une proportion de logements sociaux et de logements intéressants pour les familles», conclut-il.

À lire aussi : Vers des milieux de vie plus accessibles et durables à Québec.

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