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Un mal souvent oublié: dentiste de guerre

Laurent Richard et Alain Belhumeur jouent un rôle souvent oublié dans l’armée, sauf lorsqu’une douleur qui paralyse la bouche surgit à un point tel que même les craintes les plus fortes sont reléguées au second plan. À ce moment, on se rappelle qu’une chance qu’ils sont là. Ils sont respectivement dentiste et hygiéniste dentaire.

Ces deux résidents de Québec en voient de toutes les couleurs, car plus de 14 000 personnes comptent sur eux lorsque survient un mal de dents. «Nous sommes quatre en tout à travailler dans ce secteur, deux Canadiens et deux Britanniques. On ne manque pas d’ouvrage. Nous sommes bondés sept jours sur sept», mentionne Dr Richard.

Les deux Québécois ne se gênent pas pour le dire, ce sont les Canadiens qui ont les plus belles dents. Ceci n’est pas le cas de bien des gens d’autres nationalités. «Nous traitons les soldats, mais aussi les civils qui sont ici, comme les entrepreneurs. Certains d’entre eux n’ont jamais eu de traitement dentaire et ils ont souvent des problèmes d’infection et de caries», raconte encore le dentiste Richard.

D’ailleurs, les deux hommes doivent régulièrement jouer aux professeurs et enseigner les règles d’hygiène de base. «On leur dit comment se brosser les dents et que la soie dentaire n’est pas un outil qu’on utilise une fois par mois.» Le fait que cette clinique soit internationale oblige parfois le dentiste à utiliser la bonne vieille méthode du langage corporel pour communiquer. Mais, il arrive parfois que cela ne soit pas suffisant. À ce moment, un traducteur est appelé en renfort.
À Kandahar, la dentisterie reste tout de même un traitement offert en temps de guerre. Il n’est donc pas question de donner des soins esthétiques, comme des facettes ou des couronnes. Il faut aussi oublier la confection d’un dentier, puisqu’il n’y a pas de laboratoire. «Nous faisons des traitements d’urgence, précise Dr Richard, pour permettre aux troupes de faire leur travail.»

Malgré un bureau sobrement aménagé, ces deux professionnels ne manquent pas d’équipements pour offrir les soins. «Nous sommes mieux équipés que dans certaines cliniques privées», souligne le dentiste Laurent Richard.

Le fait d’exercer à Kandahar est une chance pour lui, car il peut ainsi appliquer 100 % de ses connaissances, ce qui serait beaucoup plus difficile au Québec. «Certains de mes amis n’ont pas fait la moitié des soins que j’ai donnés ici, dit-il. Généralement, ce sont des traitements plus difficiles, comme enlever une dent de sagesse incluse.»

En plus des soins liés à des maladies, les deux professionnels ont aussi à traiter le résultat d’incidents qui peuvent survenir dans une panoplie de situations. Par exemple, à la suite d’une partie de hockey, mais aussi, malheureusement, à la suite de l’explosion d’une bombe. «C’est dur pour nous, car souvent l’incident est arrivé il n’y a pas longtemps. La personne est assise sur la chaise et nous devons conjuguer avec ce côté émotionnel. Juste pour cela, je suis fier de faire ce travail», raconte Dr Richard.

Avec le voile

Si leur travail principal se déroule sur la base, il est arrivé aux deux hommes d’aller tenir une clinique dentaire à l’extérieur pour les besoins de la population afghane. Là-bas, ils ont vu des choses qu’ils ne sont pas prêts d’oublier, car l’approche est très différente, surtout pour les soins prodigués aux femmes. «Les femmes gardent leur voile. Elles ne soulèvent qu’une partie, juste assez pour découvrir la bouche. Ce n’est pas toujours évident, parce que nous avons moins d’espace pour travailler», raconte l’hygiéniste Alain Belhumeur. En ce qui concerne les enfants afghans, il semblerait que ceux-ci aient moins de caries que les petits Québécois. La raison? Leur alimentation ne contient pratiquement aucun aliment sucré.

Malgré l’aide qu’ils peuvent apporter, ces soins sont loin de répondre à la demande et cela donne lieu, parfois, à des situations difficiles. «Une dame est venue nous voir. Elle avait 15 dents qu’il aurait fallu enlever, mais nous ne pouvions pas toutes les arracher, faute de temps. Nous avons dû négocier avec elle pendant 20 minutes et nous lui avons dit de sélectionner celles qui lui faisaient le plus mal. Nous avons réglé seulement une partie du problème, mais c’est mieux que rien», mentionne le Dr Richard.
* (Collaboration spéciale Julie Roy, hebdo L’Action)

À 26 ans, Laurent Richard est un jeune dentiste. Il a obtenu son diplôme il y a trois ans à peine. Le fait d’exercer sa profession en Afghanistan lui donne la possibilité d’effectuer son travail dans un environnement hors des sentiers battus. De son côté, Alain Belhumeur considère le travail d’hygiéniste dentaire comme de la petite bière, si on compare cette profession au métier de fantassin, métier qu’il a déjà exercé. (Photo gracieuseté)

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