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Madame la «padre», je me confie

Radieuse comme le jour, c’est avec une profonde conviction qu’Émanuelle Dompierre parle de sa foi. Pour cause, cette jeune femme originaire de Québec agit à titre d’aumônière dans les Forces canadiennes depuis six ans. Elle officie présentement sur la base de Kandahar en Afghanistan.

Dans la vie civile son titre serait sûrement agente de pastorale, mais dans l’armée son rôle va beaucoup plus loin que cela. Bien sûr, elle ne peut pas bénir le pain ni le vin, mais elle prêche tous les vendredis soir en donnant la liturgie de la parole. Plus encore, elle est celle qui marche avec les soldats, celle qui les accompagne. «Je ne peux pas enlever les sentiments que ressentent les soldats, mais je peux les accompagner en les écoutant. Je me dois d’être empathique sans être sympathique. C’est crucial pour se préserver», raconte la jeune femme.

Le fait d’être une femme ne change rien pour cette «padre», au contraire. «Un “padre” est davantage un symbole plus qu’une question de genre. Étant la seule femme canadienne à agir à ce titre en Afghanistan, c’est sûr que mon arrivée a suscité des questions. Beaucoup de gens sont venus me voir. À tel point que travaillais 18 heures par jour, mais c’est correct, car ma porte est toujours ouverte.» D’ailleurs, qu’il soit homme ou femme, catholique ou mulsuman ne change pas le métier en lui-même, car tous ceux qui œuvrent dans cette fonction dans l’armée canadienne sont regroupés sous le terme aumônier.

L’aumônière souligne cependant qu’elle n’est pas une psychologue que son rôle est d’écouter et de dénouer les crises. À la suite d’une entrevue, il n’est d’ailleurs pas rare qu’elle réfère une personne à d’autres professionnels. «Le travail d’équipe est important.»

Ce que les soldats lui confient? Une panoplie de choses qui vont de la spiritualité au moral en passant par la façon de gérer l’abstinence obligatoire durant tout le temps de l’affectation. «Nous sommes pris au sérieux et nous avons un pouvoir de recommandation, tant du point de vue spirituel qu’éthique.» Certains, un peu gêné, viennent aussi lui demander de prier pour eux. «Quand une personne arrive et qu’elle me dit que c’est sa dernière patrouille et qu’elle veut que je prie pour elle, on comprend immédiatement le message.» Ce message est souvent la crainte de mourir, mais il peut aussi s’agir de toutes les questions existentielles qui peuvent entrechoquer l’âme.
«C’est une mission très émotionnelle. Quand il y a un décès cela atteint le moral de certains. Il y a aussi tout le questionnement en lien avec la possibilité de devoir donner sa vie pour une cause, sans compter le faire d’être loin des siens pendant de nombreux mois. En regardant tout ça, c’est sûr que les gens peuvent se demander jusqu’où va leur engagement. Quand ils viennent nous voir ce processus est souvent déjà bien enclenché, nous ont fait juste les écouter et leur donner des conseils.»

Mme Dompierre, elle, est certaine de son engagement. Elle considère son rôle dans l’armée très gratifiant. «Je ne croyais pas voir autant de héros dans ma vie et je suis fière de les servir, car je marche avec eux.»

Pour l’aumônière aussi, la situation dans laquelle elle est plongée est une grande source d’émotions, mais elle s’assure de se préserver en ayant une vie saine. Malgré tout, il lui est arrivé d’être ébranlée. «Lors d’un rapatriement à la suite d’un décès, l’aumônier qui présidait la cérémonie a mentionné qu’aucun parent ne devrait avoir à enterrer son enfant. Étant moi-même maman d’un petit garçon de 18 mois, cela m’a profondément touchée.»
* (Collaboration spéciale Julie Roy)

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