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Jean-Claude Gilbert raconte la dure réalité du bûcheron d’antan

PATRIMOINE. On l’oublie facilement dans notre monde moderne, mais la mécanisation de l’industrie forestière a mis du temps à voir apparaître les scies mécaniques, les débusqueuses et les récentes technologies d’exploitation. En fait, jusqu’au milieu du siècle dernier, la coupe et la récolte du bois se faisait à la force des bras, des chevaux et des cours d’eau, comme depuis le début de la colonie. Témoin privilégie, Jean-Claude Gilbert a vu les choses évoluer au tournant des années 1960.

Le passionné de foresterie devenu ensuite professeur et consultant en la matière était aux premières loges pour vivre le changement. À l’époque où il termine ses études dans ce domaine névralgique pour l’économie du Québec très axée sur la valorisation des ressources naturelles, il se fait embauché par une entreprise papetière active dans le parc des Laurentides.

L’aventure commence et sera marquée par bien des péripéties. Celles-ci sont la source du récit de son livre La vie d’un forestier au temps de la Révolution tranquille. «J’ai choisi d’écrire seulement sur la période durant laquelle j’ai travaillé en forêt, de 1959 à 1970. J’estime que durant ces années, le secteur forestier a connu des bouleversements internes dignes d’une révolution technique», fait valoir l’auteur qui a toujours résidé à Saint-Augustin.

Délaisser la hache et la sciotte pour la scie mécanique, remplacer les traîneaux à chiens et les chevaux par des motoneiges et des machineries spécialisées, revoir les modes de transport de la ressource, voilà autant d’aspects qui ont modifié la face de l’industrie forestière ici et ailleurs. Les méthodes de travail ont gagné en efficacité, en rapidité et en sécurité. La protection environnementale a pu être prise en considération.

Mémoire d’hier

«Si parfois la nouveauté effraie, aujourd’hui plus personne ne travaillerait comme autrefois. Or, pour apprécier cette évolution, il importe de savoir comment le métier s’exerçait anciennement. C’est ce que je me suis efforcé de mettre en lumière afin de partager, avec mes descendants aussi bien que les travailleurs forestiers de demain, la mémoire de ceux qui ont bâti cette industrie», justifie M. Gilbert.

À travers sa riche expérience personnelle, il témoigne d’une façon de vivre qui nécessitait une certaine adaptation pour un jeune homme poli de la banlieue de Québec. «Imaginez le choc, alors que chez mes parents je n’avais même pas le droit de dire « maudit ». Dans le bois, le langage des bûcherons est parsemé jurons et de blasphèmes, dont certains sont même conjugués en verbe», témoigne celui qui a également vu couler à flot la boisson forte après les quarts de travail et lors des congés.

Souvenirs marquants

L’homme qui a pu replonger dans ses souvenirs grâce la correspondance écrite à sa famille et conservée par sa mère, alors qu’il était en forêt pendant des semaines et des mois, s’amuse encore de la vétusté des premiers camps. «Sans eau, ni électricité, ni buanderie, on était loin des installations cinq étoiles d’aujourd’hui, rappelle-t-il. Avant d’ériger des baraquements, on dormait au début dans des grosses tentes en toiles chauffées par des poêles à deux ponts servant également de séchoir à linge.»

Parmi les anecdotes qui ont marqué la carrière de Jean-Claude Gilbert, il y a certainement son arrivée dans la réalité concrète du milieu forestier. Les sorties de repérage en raquettes et en motoneige. Les risques de blessures et d’égarement. Mais aussi, les contacts parfois intimidants avec les orignaux et les ours abondants. Ainsi que la découverte de la richesse et de l’énergie réconfortante de la faune et la flore. Certains récits témoignent d’une relation privilégiée qui s’est développée avec la nature.

Sans oublier les nombreux métiers qu’il a exercés, passant de bûcheron à mesureur, puis contremaître, responsable de la sécurité et développeur de méthodes de travail. «Avec la mécanisation, il fallait revoir et inventer de nouvelles façons de faire. Fini la coupe en été et le transport en hiver, les usines devaient être alimentées plus rapidement et régulièrement», explique celui dont la passion pour la foresterie l’a également amené à travailler sur la Côte-Nord et en Abitibi, avant de devenir enseignant pour la relève, consultant en formation et conseiller à l’international.

Publié aux Éditions GID, le livre «La vie d’un forestier au temps de la Révolution tranquille» est vendu 29,95$ en librairie.

Parcours de Jean-Claude Gilbert

1960-71 – technicien forestier jusqu’à coordonnateur provincial chez Domtar

1971-86 – enseignant en foresterie au centre de formation Duchesnay

1986-96 – responsable des programmes en foresterie au ministère de l’Éducation

1997-2001- conseiller en formation en Tunisie, au Maroc et au Liban

Québec Hebdo

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