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Femmes autochtones disparues: il faut «parler pour se guérir», croit Pénélope Guay

PREMIÈRES NATIONS. La problématique des femmes autochtones disparues, «ça fait 20 ans qu’on en parle et qu’on fait des manifestations», clame Pénélope Guay. La cofondatrice de la Maison communautaire Missinak, à Charlesbourg, l’affirme avec un brin d’emportement, mais surtout avec soulagement et espoir. Parce qu’enfin, d’autres ont pris le porte-voix pour dénoncer la situation, et que la commission d’enquête publique nationale en train de se mettre en place annonce des jours meilleurs.

Dans la région de Québec, Pénélope Guay n’a connaissance d’aucun cas de disparition. Mais des histoires qui finissent mal, elle en a entendu – chacune de celles qu’elle relate s’achève dans un gros soupir. Dans les milieux autochtones, il s’agissait d’un secret de polichinelle; depuis quelques mois, les fils commencent à se révéler à la face du monde. Dernièrement, des communautés éloignées ont rallié Québec pour participer à l’une des rencontres de consultation visant à définir le mandat de la commission annoncée par le gouvernement Trudeau, en décembre.

Jusqu’aux reportages d’Enquête à l’automne qui ont entrouvert la boîte de Pandore, «il n’y avait pas d’enquêtes qui étaient menées quand quelqu’un dans une communauté disparaissait ou était assassiné», poursuit Pénélope Guay. Pourquoi? Pas de liens entre Autochtones et non-Autochtones, pas de liens entre les différents services, pas de policiers formés aux réalités autochtones, méfiance réciproque…, soupçonne-t-elle.

De l’indifférence aussi, peut-être? «Quand tu es une femme autochtone, tu pars déjà de loin», acquiesce Jenny Hervieux. Un vent de préjugés la précède, estime la coordonnatrice de la Maison Missinak: «On va toujours mettre beaucoup d’emphase sur la consommation, la toxicomanie. […] On dirait alors que tu n’as plus d’avenir, plus d’espoir. Mais en même temps, il faut comprendre pourquoi la femme consomme. Si on essayait de comprendre ça, on comprendrait qu’il y a eu des éléments historiques qui ont amené ça.»

«Il faut»

Et c’est là où, espèrent les deux collègues, la commission d’enquête publique fera la différence. En donnant une tribune aux réalités autochtones, dont une meilleure connaissance dessinera le cadre de la collaboration à mettre en place en fonction des besoins particuliers de chaque communauté. Wendake, près d’un grand centre urbain et au tourisme développé, a peu à voir avec le manque de ressources de Lac-Simon, en Abitibi, compare Jenny Hervieux.

Pénélope Guay anticipe les témoignages: «Je pense que ce que ça va amener, c’est de montrer qu’on n’est pas si bien que ça.» Il ne s’agit pas de se présenter au micro en victime, cela dit. «Être victime, ça tue. La culpabilité, ça n’aide pas la situation», croit sa collègue. Ainsi envisagent-elles l’utilité de la commission: il faut que «ça sorte», il faut «parler pour se guérir». Il faut briser ce silence que les familles autochtones ont gardé trop longtemps, menant elles-mêmes les recherches quand l’une des leurs disparaissait. Il faut changer les mentalités.

Il faut que les sœurs d’esprit – ces femmes disparues qui ont rejoint le monde des esprits – agissent comme un point tournant pour la question autochtone, appellent de leurs vœux les deux femmes.

Parler pour guérir, oui, mais aussi:

– Inclusion des Autochtones dans les sphères décisionnelles de l’enquête publique

– Retour aux sources, aux racines de leur identité

– Reconnaissance politique de la culture autochtone

– Accès à plus de ressources adaptées aux réalités autochtones

– Promotion de l’éducation

Québec Hebdo

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