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L’homme qui sciait plus vite que son ombre

TÉMOIGNAGE. Trente-trois (33): c’est le nombre de fois que Gilles Lévesque a été champion du monde à la sciotte. Et à 80 ans, le Charlesbourgeois n’a pas encore raccroché ses outils.

À voir: Démonstration de sports de bûcherons, sculpture à la scie à chaîne et un duo de bûcherons

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Dans le coin de Château-Bigot, l’homme originaire de Saint-Ulric-de-Matane s’est aménagé son propre camp de bûcheron en ville. Là, avec ses sciottes, ses godendards, ses scies mécaniques et ses haches, il s’assure de ne pas perdre la main.

Les pieds bien plantés au sol, les mains empoignant solidement l’outil, et voilà que le décompte est donné: 3-2-1… Il ne faudra guère beaucoup plus de secondes pour que les dents de la sciotte traversent la bûche.

«Un jour, je serai champion mondial»

Gilles Lévesque le reconnaît volontiers, il a déjà été plus rapide. Mais il n’avait pas vraiment le choix: il l’avait annoncé à sa mère, qu’il battrait tous les records. Il avait 19 ans. Depuis trois ans, ce fils de cultivateur traversait à l’automne à Baie-Comeau pour travailler au camp de bûcherons de la North Shore Paper. Sur place se tenaient des concours mensuels de sciotte.

À son premier essai à 16 ans, il a perdu par 0,2 seconde derrière Gérard Gendron. «Un athlète de six pieds, 210 lb, qui était bon dans quasiment tout», se souvient Gilles Lévesque avec une mémoire aussi affilée que ses scies. L’année suivante, le même Gendron l’approche: «Vas-tu concourir cette année? Si oui, je prends ma retraite!», lui lance celui qui choisira plutôt alors de lui servir d’entraîneur.

Cette fois, Gilles Lévesque remporte coup sur coup les championnats de camp et de division, pour se ramasser à celui de Baie-Comeau devant 3000 personnes. «Oh là, j’ai pris la pétoche! J’avais juste 17 ans, je n’avais pas beaucoup de vécu. J’ai parti en peur, je suis arrivé 4e», raconte le résident de Charlesbourg.

Il connaîtra une autre défaite amère l’année suivante avant d’annoncer à sa mère que, dorénavant, il les gagnerait toutes. «Un jour, je serai champion mondial.» «Mais il n’y en a pas, de championnat mondial», lui répond sa mère alors que, à l’époque, la compétition s’arrête au niveau canadien. «Un jour, il va y en avoir», rétorque son fils qui tiendra promesse en décrochant 33 titres au fil des années, en parallèle de sa carrière de voyageur de commerce.

Gardien de la tradition

«Mais j’ai perdu des fois. Tu ne peux pas gagner tout le temps», admet du même souffle Gilles Lévesque qui, sur une trentaine de compétitions par année, pouvait en gagner de 85 à 90%. Son atelier rempli de trophées fait foi de cette époque bénie où, aujourd’hui, ses souvenirs jouent du coude. Il reste que «le plus grand championnat, c’est de vivre longtemps», estime celui qui ne fait pas son âge.

Gilles Lévesque dira qu’il ne s’est jamais entraîné entre les compétitions. Ses victoires ont quelque chose du don inné, de l’intuition et de bien du cœur à l’ouvrage. Ne lui parlez pas de chance: «Moi, ce que j’ai essayé de faire dans mon sport, c’est de prouver que ce n’est pas une luck quand tu gagnes», précise celui qui, récemment encore, remportait une énième compétition.

S’il joue encore au bûcheron aujourd’hui, c’est à la fois par amour du sport et par souci de maintenir une tradition en train de se perdre. À ce titre, Gilles Lévesque touche du bois.

Disciplines typiques des compétitions de bûcherons

– Lancer de la hache

– Sciotte

– Godendard

– Coupe à la hache horizontale et verticale

– Coupe à la scie mécanique modifiée

Membre du Groupe Québec Hebdo

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