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Y a-t-il un.e sexologue dans l’école?

L'éducation à la sexualité est obligatoire depuis 2018, mais son enseignement n'est pas homogène dans les écoles du Québec. Photo: Daria Golubeva/iStock

D’ici juin prochain, les jeunes du primaire et du secondaire devraient recevoir de 5 à 15 heures de cours d’éducation à la sexualité. Mais leur enseignera-t-on vraiment les notions dites obligatoires? Et est-ce qu’un.e sexologue leur donnera la matière? Ça dépend…  

Depuis 2018, l’éducation à la sexualité est de retour dans les écoles, 15 ans après l’abandon du cours de formation personnelle et sociale où elle était précédemment offerte. Maintenant, ce sont les enseignant.e.s des autres matières (math, histoire, français) qui doivent intégrer ces informations dans leur programme déjà bien étoffé.  

L’école peut faire appel à des organismes et des spécialistes en sexologie pour faciliter la tâche du corps enseignant, mais encore faut-il qu’elle en ait les moyens.  

Un enseignement disparate  

«Les écoles qui ont plus de budget et plus de ressources sont dans une situation plus favorable, tandis que les écoles surpeuplées, avec moins de moyens et moins de personnel, auront moins de capacité à offrir le même genre d’information à leurs jeunes», alerte Laurence Desjardins, sexologue, animatrice en éducation à la sexualité et coautrice du livre On SEXplique ça: comment parler de sexualité avec son ado.  

Au-delà des réalités financières qui créent des inégalités dans l’enseignement, le quotidien des professeur.e.s annihile parfois aussi la possibilité de jaser d’ITSS et d’expression de genre. Ariane Lefèbvre, qui est enseignante au primaire à Saint-Laurent et qui s’est beaucoup penchée sur l’éducation à la sexualité durant sa maîtrise en administration de l’éducation, explique que ce cours est souvent la charge en trop pour ses homologues.  

«Premièrement, il y a le fait qu’il y a un manque de formation, admet-elle. Deuxièmement, ce sont des sujets délicats qui peuvent mettre mal à l’aise et on peut craindre de heurter des valeurs familiales. Troisièmement, la tâche enseignante s’alourdit et on s’en plaint depuis plusieurs années. Donc même si on considère que c’est une matière importante, on ne veut pas la donner, parce qu’on a déjà plein d’autres choses à faire.» 

Les élèves se retrouvent ainsi avec une formation sexuelle parfois complète, parfois déficiente à la fin de leur parcours. «L’application du programme est extrêmement variable d’un collège à l’autre, confirme Samuel Caron, enseignant d’éthique et culture religieuse dans des écoles secondaires privées. Moi, c’est ma quatrième école et d’une école à l’autre, c’était complètement différent. J’ai été dans des écoles où le cours n’était carrément pas donné.» 

Faire plus de place aux sexologues 

Laurence Desjardins prêche pour sa paroisse, bien entendu, en rappelant que des sexologues, comme elle, peuvent offrir des formations aux enseignant.e.s ou carrément animer les cours d’éducation à la sexualité.  

Améliorer l’éducation à la sexualité, ça passe par donner de l’argent aux écoles pour homogénéiser les contenus offerts et leur donner les ressources communautaires qui peuvent pallier les besoins, mais aussi par offrir une formation appropriée au personnel volontaire qui veut donner cette matière-là. 

Laurence Desjardins, sexologue

Mais elle n’est pas la seule à croire qu’il faudrait donner une plus grande place aux sexologues en milieu scolaire. «L’idéal, ça serait que les sexologues entrent dans les écoles, croit en effet Ariane Lefèbvre. On aura beau faire de notre mieux, ce n’est pas notre métier. On est la seule province qui offre le bac en sexologie, mais on ne les utilise pas à leur plein potentiel dans les écoles.» 

Samuel Caron abonde dans le même sens: «S’il y a des efforts à déployer, c’est dans l’administration de ressources pour offrir une éducation à la sexualité de qualité aux jeunes. C’est une grosse bataille à gagner, et ça prend des professionnel.le.s. On est chanceux.euses au Québec, on est un des rares endroits au monde à avoir des sexologues.» 

Des contenus bien choisis 

Mais attention, il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain! S’il y a place à l’amélioration pour assurer un enseignement uniforme de l’éducation à la sexualité, nos intervenant.e.s s’entendent généralement pour dire que la liste de contenus est bien étoffée.  

Les cours parlent de la croissance du corps humain, de la vie affective et amoureuse, des stéréotypes de genre, de l’égalité entre les hommes et les femmes, de la grossesse et de l’avortement, de la puberté, de l’identité de genre, des ITSS, de l’impact du sexisme et de l’homophobie… Il y a aussi tout un volet de prévention des agressions sexuelles. 

Ariane Lefèbvre, enseignante au primaire 

Les enseignant.e.s se font attribuer un sujet en se faisant indiquer pourquoi c’est important et quels sont les objectifs à atteindre. Sans examen pour évaluer si ces objectifs-là ont été atteints et sans manuel pour les épauler dans la matière, il n’y a aucun moyen de savoir si les jeunes ont reçu l’information et, si oui, si elle était exacte.  

Il faudra voir ce qu’il adviendra de l’éducation à la sexualité en 2023, quand le cours de culture et citoyenneté québécoise remplacera celui d’éthique et culture religieuse. Parmi les huit thèmes qui devraient composer le nouveau cours, on compte la sexualité. Mais c’est une meilleure formation pour le corps enseignant et un meilleur accès aux ressources que demandent les écoles pour offrir le programme, pas une nouvelle structure. 

«Ce cours, c’est aussi apprendre comment être un.e bon.ne partenaire de vie, comment être un.e collègue moral.e et empathique, comment se conduire comme un.e adulte. Évidemment, si un.e jeune n’a pas cette formation, ça sera un.e adulte mal en point, qui va commettre des actes immoraux, illégaux ou déplacés», croit Laurence Desjardins.  

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