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La marche pèlerine analysée sous tous ses angles

Un ouvrage universitaire se penche sur les études de la marche pèlerine ces dernières années, afin de comprendre l’enracinement de la pratique au fil du temps. /Photo gracieuseté – Bottes et Vélo Photo:

SPIRITUALITÉ. Souvent associé à une quête mystique depuis l’époque des grands prophètes, le pèlerinage a vu sa pratique évoluer avec la modernité. Bien qu’il ne renvoie plus désormais à une tradition religieuse particulière, ses adeptes continuent de l’exercer de nos jours. Loin de décliner au rythme de la baisse de ferveur généralisée, la marche pèlerine, entreprise seul ou en groupe, se redéfinit et gagne en popularité à la faveur de nouvelles raisons d’exister.

Ce faisant, la signification du mot pèlerinage s’entend aujourd’hui dans des contextes aussi inusités que la randonnée de longue durée, les voyages migrants, voire comme «stratégie de décolonisation». Un des phénomènes ayant contribué à cette évolution est sans nul doute l’explosion de popularité, depuis les années 1980, du pèlerinage à pied vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Celui-ci a notamment ouvert la porte à la marche pèlerine et à la marche de longue durée.

Même si le Québec a été marqué par une forte tradition pèlerine, le dernier tour d’horizon sur la question a été publié il y a 40 ans. Depuis, rien d’aussi exhaustif n’a été proposé. La nature même du pèlerinage s’étant transformée, il convenait donc de sonder où en est le Québec dans sa réflexion sur la question. Voilà ce propose le livre Pèlerinage, marche pèlerine et marche de longue durée au Québec.

Entretien sur le sujet avec Éric Laliberté, coauteur de l’ouvrage avec Michel O’Neill.

Quel était l’objectif de publier un livre sur les pratiques pèlerines?

(E.L.)- «Puisque le dernier grand colloque sur la pratique pèlerine remontait à 1976 et que le plus récent récit collectif au Québec date de 1981, il y avait lieu de faire le point. Surtout que notre province a une grande tradition de pèlerinage. Si celui-ci était principalement d’esprit religieux autrefois, il a fait beaucoup de chemin depuis. Sous les effets de la sécularisation et de la modernité, les manières de le pratiquer ont largement été revisitées et se sont renouvelées de mille et une façons.»

À quelles conclusions ou observations aboutit votre travail?

(E.L.)- «D’abord, on ne peut plus parler de pèlerinage de façon stricte. Ça dépasse la simple randonnée avec un sac à dos. On vit une réelle expérience personnelle durant le parcours. Ensuite, il faut l’aborder sous l’angle de l’exercice au potentiel transformateur. Celui-ci ne se limite pas à l’aspect religieux, mais aussi à celui de la spiritualité et de la santé globale du corps. Bien souvent le côté psychique rencontre le physique. Enfin, certains évoquent même la décolonisation du territoire, par cette volonté d’emprunter les sentiers anciens des Autochtones et des Premières nations.»

Publié aux PUL (40$), le livre codirigé par Éric Laliberté et Michel O’Neill s’adresse autant spécialistes qu’au public intéressé par le pèlerinage. /Photo gracieuseté – Bottes et Vélo

Comment ont évolué les expériences pèlerines au fil du temps?

(E.L.)- «L’approche tend vers la recherche d’une expérience qui va nous changer. On part à l’aventure pour se sortir de ses habitudes et revenir sur de nouvelles bases. Ça peut s’apparenter à une quête de sens, ou encore à une évasion d’un cadre de vie devenu oppressant, voire stressant. On en a des références, par exemple, dans le film <@REi>Wild<@$p> de Jean-Marc Vallée. L’héroïne entreprend un long parcours dans l’espoir de retrouver ses repères et changer son mode de vie. L’idée est aussi au centre du documentaire <@REi>Alex marche à l’amour<@$p>, qui se déroule sur 800km entre Montréal et l’Abitibi. Au-delà de la randonnée, on verse dans la spiritualité séculière.»

Est-ce que les pèlerinages conservent toujours un fondement religieux ou spirituel?

(E.L.)- «Les pèlerinages religieux vers Sainte-Anne-de-Beaupré, l’oratoire Saint-Joseph ou la terre sainte existent toujours. Il y a aussi des expériences de mémoire vers des lieux de tragédie, de guerre ou d’histoire. En fait, à part les vacances à la plage, il y a de plus en plus de voyages qui deviennent pèlerinages. On le constate dans la façon dont les gens racontent leurs périples. Par ailleurs, il y a une forme d’humilité dans l’effort physique consenti. La spiritualité pèlerine s’avère très incarnée. Comme pour un marathon, on passe par des questionnements, de la douleur et du découragement. On y perd notre résistance avant d’atteindre la plénitude du second souffle.»

Vers quelle tendance se dirige cette pratique pendant et après la pandémie?

(E.L.)- «On a craint que la Covid-19 et ses restrictions ne coupent le rythme et l’intérêt croissant pour la marche pèlerine. Or, on sent plutôt que ça va repartir en force. Pas juste le pèlerinage, mais le voyage en général. À preuve, les forfaits pèlerins de groupe offerts par notre organisme Bottes et Vélo sont en grande demande. Les places s’envolent en quelques heures dès l’affichage. Pour le futur, on sort de la théologie et du sacré pour partager une expérience de marche qui nous surpasse. Ainsi, les aéroports et les gares deviennent les églises de demain. Des lieux d’ouverture et d’exploration sur le monde.»

Engouement pour le pèlerinage de Compostelle

  • Début 1980 = 350 randonnées complétées
  • Début 2000 = 50 000 randonnées complétées
  • Fin 2019 = 350 000 randonnées complétées
Au-delà de la dévotion, l’expérience pèlerine tend davantage vers la quête de sens et de repères. /Photo gracieuseté – Bottes et Vélo

Québec Hebdo

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