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Nouvelle preuve balistique présentée contre l’ex-juge Delisle

TRIBUNAL. La nouvelle preuve balistique présentée par la Couronne met en doute les arguments avancés par la Défense, afin d’obtenir une révision du verdict de culpabilité de Jacques Delisle pour le meurtre de sa conjointe en 2009. Le juge Benoit Moulin devra tenir compte du volumineux rapport d’expertise dans son analyse de la requête pour remise en liberté de l’ex-juge, en attente de la décision du ministère fédéral de la Justice.

Utilisant une arme de type Sterling 302 de calibre 22, du même type que celle ayant servi lors de la mort de Nicole Rainville, le balisticien Guillaume Arnet a fait une démonstration détaillée de ses observations. Son rapport de 48 pages décrit avec de multiples détails et illustrations les tests balistiques effectués en laboratoire, à l’aide d’éléments artificiels permettant d’imiter un crâne humain.

Il faut rappeler que la victime dans cette affaire est morte d’une balle à la tête. La Couronne a réussi à convaincre le jury que l’arme était tenue par Delisle et à le faire condamner pour meurtre. À l’opposée, la Défense prétend que l’analyse médicolégale porte à croire que l’arme a pu être auto-manipulée, confirmant le scénario du suicide plutôt que de l’homicide.

Auto-manipulation non fondée

Or, à la lumière des essais de tir produits entre septembre 2010 et octobre 2016, ainsi que des documents consultés dans cette cause hautement médiatisée, l’expert Arnet en vient à la conclusion que «tous les indices recueillis abondent pour corroborer un homicide. Des aspects comme l’angle de tir, la tache de poudre sur la main de la victime et les effets des gaz de combustion sur la plaie font en sorte que les prétentions voulant que Mme Rainville ait manipulé l’arme lors du tir ne sont pas fondées».

Le balisticien de la Couronne a également relevé que les tests balistiques effectués par l’expert de la Défense (Vassili Swistounoff) ne reproduisaient pas fidèlement un crâne humain avec imitation de peau et d’os. Les résultats ne pouvaient être aussi précis que les siens. À son avis, le fait que la plaie soit non symétrique tend à confirmer que le tir a été effectué à angle. Dans cette circonstance, il n’aurait pas dû y avoir de tache de poudre dans la paume de la main de la victime. Sauf, lors d’un geste de défense.

Selon M. Arnet, ses simulations de tir dans un os de mandibule de bovin, dont l’épaisseur correspond celle d’une tempe de crâne humain, ont permis de démontrer que le projectile franchit une distance moindre dans le contenant de gel lorsque tiré à angle aigu. «La balle peut ainsi se loger dans le fond de la tête, précise-t-il, comme ce fut le cas pour la victime. Au contraire, dans le cas d’un tir perpendiculaire à bout touchant, la balle aurait traversé le crâne avec plus de vélocité et perforé les deux tempes pour ressortir.»

Théories opposées

En contre-interrogatoire, l’avocat de la Défense, Me James Lockyer, a questionné l’expert de la Couronne sur son suivi du procès et des témoignages des experts. Il a demandé à M. Arnet s’il avait pris connaissance des conclusions de l’autopsie et du rapport médicolégal. Celui-ci a répondu qu’il était spécialiste en balistique et qu’il s’y connaissait très peu en médecine légale. Au bout de plusieurs questions techniques démontrant que l’expert a travaillé dans l’unique optique de l’homicide, Me Lockyer a convenu que la confrontation entre les deux théories balistiques reste au cœur du débat. Chaque partie demeurant sur ses positions, il sera difficile d’en sortir.

Mentionnons que selon le Dr Michael Shkrum, pathologiste de la Défense, les photographies et radiographies du crâne et du cerveau de la victime démontrent que la trajectoire de la balle serait perpendiculaire. Le projectile aurait ainsi percé la tempe gauche et traversé le cerveau pour percuter l’intérieur droit de la boîte crânienne, où il a laissé des résidus, avant de ricocher vers le fond de la tête. Cette théorie accréditerait l’hypothèse d’un suicide.

À l’opposée, le Dr André Bourgault avait fait valoir, lors du procès en 2012, que la balle est entrée par la tempe gauche dans un angle aigu. L’expert du Laboratoire médico-légal de Montréal retenu par la Couronne soutient depuis que le projectile a ensuite suivi une trajectoire linéaire à travers le cerveau, jusqu’à l’arrière du crâne du côté droit. La victime partiellement paralysée ne pouvait avoir tenu l’arme seule.

Devant les échanges pointus autour d’arguments scientifiques, le juge Benoît Moulin a encore une fois rappelé aux parties qu’il n’avait pas à choisir entre deux théories expertes. «Nous ne sommes pas à procès, insiste-t-il. Je n’ai pas à rendre de décision sur la culpabilité, mais uniquement sur la remise en liberté du requérant en attendant la révision de son dossier.»

Procédures complexes

Prévu pour deux jours au départ, la requête pour remise en liberté du juge à la retraite Jacques Delisle, en attendant une décision sur la révision de sa condamnation pour le meurtre de sa conjointe Nicole Rainville, s’est déjà étirée sur une dizaine de jours. Incluant les plaidoiries, l’audience devrait se poursuivre jusqu’à vendredi.

L’homme de 81 ans espère retourner dans son condo de Sillery, pendant qu’un comité étudie s’il y a eu erreur judiciaire dans le dossier. Un rapport doit être soumis d’ici 12 mois au ministère fédéral de la Justice.

Voir une vidéo illustrant les tests effectués par le balisticien Guillaume Arnet, témoin de la Couronne.

Québec Hebdo

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