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Stéphane Cormier est passé de suspect à victime

TRIBUNAL. Toujours sans le sou et connu pour ses problèmes de consommation de drogue, Stéphane Cormier a d’abord été perçu comme suspect avant de devenir la victime d’un enlèvement avec tentative d’extorsion. Ce n’est qu’au fil de leur enquête que les policiers ont débouché sur Bryan Demers-Thibeault, une connaissance du disparu contre qui une accusation de meurtre a été déposée.

La procureure de la Couronne, Me Josée Lemieux, à sa sortie de la salle d’audience.

(Photo TC Media – François Cattapan)

Étant donné que le jeune Drummondvillois avait la mauvaise habitude d’être souvent à court d’argent et de demander des avances de fonds à son père, les policiers l’ont d’abord soupçonné d’une supercherie à son avantage. C’est au bout de plusieurs vérifications sur le terrain, dans les jours qui ont suivi la réception d’une première demande de rançon, que la légitimité de l’enlèvement et de la tentative d’extorsion s’est confirmée.

Selon le récit de l’enquêteur principal aux crimes majeurs à la Sûreté du Québec (SQ) à Trois-Rivières assigné au dossier le 7 avril 2011, Luc Brillant, il a fallu procéder par élimination pour «fermer toutes les portes dans ce dossier-là». Plusieurs éléments y ont contribué, dont la quête d’indices de la présence du disparu dans les commerces et établissements qu’il avait l’habitude de fréquenter à Drummondville.

Résultat : aucun signe de vie de Stéphane Cormier n’a été signalé après une conversation téléphonique avec sa mère, le 1er avril, et une visite dans un casse-croûte, le lendemain. Les recherches auprès des soupes populaires, hôpitaux, prisons, bars et dépanneurs n’ont rien donné. Même chose du côté des établissements financiers et, surtout, de la pharmacie où la victime devait se rendre chaque semaine pour obtenir des médicaments en vue de soigner, notamment, l’hépatite B et la maladie de Crohn.

«Au 14 avril, ça faisait deux semaines qu’aucune prescription n’avait été présentée ou réclamée par le disparu. Par ailleurs, à cette même date, une expertise calligraphique a confirmé que la demande de rançon initiale de 20 000$ n’avait pas été rédigée par Stéphane Cormier. Ça a éliminé les soupçons envers lui et orienté l’enquête vers une réelle séquestration visant à rembourser une dette de drogue», a relaté l’enquêteur Brillant à la procureure de la Couronne, Me Josée Lemieux.

Piège tendu

Les policiers ont alors décidé d’entrer dans le jeu et de tendre un piège au ravisseur. Ils obtempèrent aux consignes données au père, Lucien Cormier, de laisser une boîte de carton dans le four chez son fils avec la somme réclamée dedans. Le paquet contenait aussi une poudre marquante et un traceur GPS, tandis que le logement était muni d’une caméra et de détecteurs aux portes.

Une vidéo montre qu’un suspect entre dans le logement du 417 rue Saint-Claude, le 24 avril à 20h31. Semblant à l’aise et connaître les lieux, il reste caché sous un épais manteau d’hiver capuchon sur la tête et prend des précautions en fouillant la boîte avec des gants à la lumière d’une lampe de poche. Au bout de 8 minutes, il disparaît calmement en emportant le colis. Avertis, les patrouilleurs arriveront tout de même quelque 3 minutes en retard. Après avoir longuement fouillé les lieux à la recherche d’indices, ils retrouveront le colis vide derrière un cabanon rue Dollard.

Rançon haussée

Outré qu’on ait tenté de le piéger, le ravisseur envoie une seconde lettre de rançon au père de la victime, le 2 mai 2011. Lucien Cormier en informe les policiers et indique que le montant pour retrouver son fils vivant a été augmenté à 1M$. De nouvelles consignes lui sont transmises dans un texte décousu, qui précise qu’il n’y aura pas de négociation ni de contact et que la situation est urgente pour espérer sauver Sébastien.

En cours de route, les enquêteurs ont corroboré des témoignages évoquant que le fournisseur de drogue avec qui se tenait souvent le disparu était un dénommé Bryan. Après avoir obtenu le numéro de téléphone d’un certain Bryan Demers, les pièces du puzzle se sont mises en place. Des photos ont permis de certifier qu’il s’agissait bien du bon suspect, tandis qu’une analyse calligraphique confirmait, le 11 mai, que les deux longues lettres de demande de rançon ont été écrites par l’accusé.

L’accusé Bryan Demers-Thibeault.

(Photo TC Media – Archives)

Bryan Demers-Thibeault aura finalement été trahi par son mauvais français et son style d’écriture à partir d’un document administratif rempli antérieurement. Le lendemain, il était repéré, arrêté et interrogé. Comme le disparu n’était toujours pas retrouvé, à partir du 13 mai, l’enquête a été transférée à l’Unité des crimes contre la personne de la SQ. Les enquêteurs découvriront par la suite que la victime était déjà décédée.

En contre-interrogatoire, l’avocat de la Défense, Me Sébastien St-Laurent, a tenté de mettre en évidence certaines imprécisions dans le témoignage de l’enquêteur Brillant. L’accusé a écouté le récit qui a pris la majeure partie de la journée de mardi, en affichant un air désinvolte, la tête penchée de côté et restant enfoui dans son manteau d’hiver. Débuté la semaine dernière, le procès pour meurtre de Bryan Demers-Thibeault se poursuit le reste de la semaine au palais de justice de Québec, devant un jury composé de deux femmes et 10 hommes.

TC Media

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