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Xavier Roy plaide n’avoir pas eu l’intention de blesser ni tuer

TRIBUNAL. «Craignant qu’on me fasse du trouble dans ma recherche d’un nouvel emploi, j’ai décidé d’agir et de me présenter au IGA. Je voulais leur faire peur et récupérer mon dossier pour éliminer toute mauvaise référence à mon endroit.»

L’avocat de la Défense, Me François Cauchon. (Photo TC Media – François Cattapan)

Cette déclaration de Xavier Roy illustre l’orientation privilégiée par son avocat, Me François Cauchon, afin d’atténuer les charges de tentative de meurtre contre son client. Le prévenu de 19 ans a été amené à la barre comme premier témoin assigné par la Défense. D’entrée de jeu, il a reconnu l’ensemble des faits, sans chercher à se disculper.

Au contraire, la stratégie de la Défense concède que Roy est bien l’auteur de l’agression violente perpétrée, le 12 juin 2015, contre d’ex-collègues de travail du supermarché IGA de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Toutefois, elle vise à démontrer qu’il a agi sur l’impulsion, que rien n’était prémédité et, surtout, qu’il n’avait aucune intention malveillante.

Vêtu d’un complet noir et d’une chemise rose, le jeune homme au visage encore juvénile répond avec assurance et en détail aux questions qui lui sont posées. Il estime avoir été poussé à bout par les sarcasmes de certains collègues, au point de démissionner quelques jours avant le drame en raison d’une ambiance de travail trop lourde à supporter.

Roy explique longuement à son avocat qu’après avoir travaillé plus de deux ans et demi à ce supermarché, il a vu la situation se dégrader. Ayant subi une consommation cérébrale en se frappant sur un panneau de gobeuse à cannettes, il a été laissé à lui-même. Revenu avec un papier du médecin lui octroyant un arrêt de travail de 10 jours, il dit avoir été ridiculisé. Une superviseure lui suggère même de revenir exécuter des tâches légères. Son refus lui vaut d’être menacé de ne pas être payé pour ses heures cumulées.

À partir de ce moment, Roy dénonce être la risée de certains collègues et le souffre-douleur d’un d’entre eux qui le traite «de tapette, de fif et de profiteur de système». N’osant pas se plaindre, il a pris «son trou pour ne pas perdre son emploi». À une autre occasion, vers la fin mai 2015, il se blesse à un doigt et demande à rentrer chez lui parce qu’il avait du mal à faire son travail d’emballeur. Devant le refus de sa supérieure, c’est alors qu’il prend la décision de démissionner.

Quelques jours plus tard, il retourne au IGA Sainte-Catherine signer sa cessation d’emploi. Il précise alors avoir entrepris des démarches pour travailler au Métro de Saint-Augustin. Sa superviseure lui fait savoir que de la façon dont il quitte, elle ne pourra pas donner de bonnes références à son sujet. «Je me suis alors senti victime d’une grave injustice. J’étais persuadé que jamais plus je ne pourrais me trouver d’emploi et j’étais terrifié. Le lendemain, après une séance de jeux vidéo, raconte-t-il, je suis allé flâner au Canadian Tire de Sainte-Foy et l’idée m’est venue d’acheter des armes pour me venger.»

Souvenirs vagues

Le soir du 12 juin 2015, Roy s’est rendu au IGA avec dans un sac à dos des vêtements pour se déguiser ainsi que divers accessoires, dont un pistolet à plomb et un couteau de chasse, en plus de contenants d’eau de javel et de combustible à fondue. Il avait prévu se cacher dans le local des employés, à l’étage, et y commettre un méfait en attendant la fermeture du supermarché à 22h. À ce moment, il voulait juste effrayer les employés sur place, afin de récupérer son dossier d’employé.

Au moment de passer à l’acte, il admet avoir été pris de panique. Ses souvenirs des événements sont vagues. Il se rappelle ensuite être retourné chez lui se coucher et avoir été réveillé par sa mère parce que les policiers venaient l’arrêter. «Je n’avais pas l’intention de blesser quelqu’un ni de tuer qui que ce soit. Je voulais régler la situation pour assurer mon avenir. Je tiens à m’excuser auprès des victimes et de leurs familles, ainsi qu’aux propriétaires du IGA de Sainte-Catherine. Je leur transmets mes plus sincères regrets», a déclaré l’accusé à l’invitation de conclure par son avocat.

Conscience de ses gestes

En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne, Me René Verret, a mis l’accent sur les lacunes qu’il a perçues dans le témoignage de l’accusé. Il a notamment questionné la décision de Roy de cesser la prise de médication pour un trouble de déficit d’attention avec hyperactivité (TDAH), à la suggestion de son médecin, pour ensuite la remplacer par une consommation de cannabis. Il a soumis au témoin que s’il encourait des problèmes de concentration, cela ne supposait pas qu’il ne savait pas ce qu’il faisait et ce qui se passait autour de lui.

Me Verret a aussi interrogé l’ampleur de sa crainte de ne plus jamais trouver d’emploi. Si Roy en avait simplement parlé à ses parents, ceux-ci auraient pu désamorcer la crise avant qu’elle ne dégénère. Le procureur de la Couronne a ensuite bombardé l’accusé de questions mettant en doute sa mémoire imprécise des événements. «Tout porte à croire qu’en allant au Canadian Tire, votre plan d’agression était déjà établi. Et, ajoute-t-il, si vous n’aviez pas l’intention de blesser les victimes, pourquoi avoir mis des plombs dans le pistolet? Puis, pourquoi les avoir frappées avec un couteau?»

Ce à quoi a répondu Xavier Roy que les armes devaient donner de la crédibilité à son intervention. Concernant les blessures infligées à deux ex-collègues, il dit : «j’ai paniqué. Ça a pris le dessus sur moi. Je n’ai pas agi consciemment. C’est comme si une force avait pris le contrôle de mon corps.»

Actes irréfléchis

Enfin, le second témoin de la Défense, Dr Juan Negrete, 79 ans, médecin-psychiatre originaire de Westmount, est venu confirmer avoir mené une entrevue clinique et des tests auprès de Roy, durant sa détention depuis son arrestation en juin 2015. L’expert exclut toute présence de violence pathologique chez l’accusé. Toutefois, il soutient que l’abus de cannabis peut induire un certain manque de retenue chez un jeune. Cela ouvre la porte aux impulsions, aux actions irréfléchies et à la dissociation de personnalité.

Les parties compléteront leurs plaidoiries au cours des prochains jours. La cause pourrait être prise en délibéré par le jury à partir de jeudi, soit une semaine plus tôt que prévu.

TC Media

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