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Bissonnette aura du chemin à faire avant de recouvrer sa liberté

POINT de VUE. Condamné à la perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 40 ans, Alexandre Bissonnette devra travailler sur sa personnalité et évacuer les démons qui le hantent s’il veut revoir la lumière du jour. Une éventuelle demande en ce sens ne lui sera pas automatiquement accordée lorsqu’il pourra le faire en 2057, alors qu’il sera âgé de 67 ans.

D’abord, le tireur qui a fait six morts, autant de veuves et sept orphelins en un éclair à la grande mosquée de Québec, le 29 janvier 2017, devra convaincre hors de tout doute le Service canadien des libérations conditionnelles qu’il ne représente plus une menace pour la collectivité. Pour ce faire, il devra collaborer sérieusement avec les experts qui évalueront son état de santé mentale au fil des prochaines décennies.

Dans la lecture de sa décision étoffée sur 246 pages de la peine à lui imposer, le juge François Huot a énuméré plusieurs aspects qui caractérisent le prévenu. Les évaluations psychiatriques admises en preuve confirment notamment des problèmes de santé mentale liés à des troubles de personnalité narcissique. Anxieux et dépressif, l’accusé s’érige en victime et se persuade du bon droit de venger la persécution subie durant son enfance misérable. Manipulateur, il a feint un temps la psychose et manifeste toujours de l’ambivalence face aux crimes commis.

Il faut rappeler que même si un jugement pour meurtre prévoit une possibilité de faire une demande de libération après 25 ans, voire 40 ans dans ce cas unique-ci, la démarche est loin d’être garantie de succès. Le système carcéral canadien a beau miser sur la réhabilitation de ses pensionnaires, il impose à ceux-ci d’avoir cheminé et corrigé leurs lacunes psychologiques avant de ressortir.

Plusieurs demandes de libération ont été refusées pour divers motifs de sécurité par les années passées. Des meurtriers non repentis ou toujours fragiles sont restés à l’ombre plus longtemps que prévu, parfois à perpétuité, après avoir vu leurs requêtes rejetées. En plus de l’évaluation sévère des risques de récidive, le public peut se rassurer du fait que les détenus remis en liberté demeurent sous surveillance et ont rarement l’intention de retourner derrière les barreaux pour le reste de leur vie. Si bien que le taux de succès de la réinsertion sociale après un minimum de 25 ans de réflexion s’élève à 99,7%.

Artisans de nos malheurs

Par ailleurs, l’histoire de ce jeune homme de Cap-Rouge qui a foutu sa vie en l’air après deux minutes d’un carnage insensé vient durement rappeler que la société est souvent l’artisane de ses malheurs. Dans le cas de Bissonnette, en plus d’avoir été victime au quotidien d’intimidation durant tout son passage à l’école secondaire, le garçon qui n’avait aucun ami à part son frère jumeau a été influencé par un proche pour cesser la pharmacothérapie prescrite en vue de soigner son profond état dépressif.

Laissé à lui-même, il s’est enfoncé dans un monde parallèle où les armes sont devenues un moyen d’expression et ceux qui les ont utilisées dans des tueries de masse se sont érigés en modèles. La bombe à retardement était alors amorcée. Après des intentions avortées de semer la mort dans un grand centre commercial de Sainte-Foy, puis à l’Université Laval, endroits qu’il a visités avec ses armes chargées dans son sac à dos, il s’est finalement convaincu de protéger ses parents et ses concitoyens de «terroristes imaginaires» en s’attaquant aveuglément à un lieu de culte musulman.

On connaît la tragique suite des événements et on constate la profondeur de l’abîme dont devra s’extirper le meurtrier avant d’envisager tout espoir de liberté…

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