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Perpétuité sans libération conditionnelle avant 40 ans pour Bissonnette

Palais de justice
Photo: Métro Média - Archives

Pas de cumul des peines contre le tireur de la mosquée de Québec

TRIBUNAL. Estimant trop clémente la peine minimale pour meurtre au premier degré imposant 25 ans fermes avant toute demande de libération et, à l’opposée, trop sévère la possibilité de cumuler les six chefs d’homicide pour imposer une détention continue sur 150 ans, le juge François Huot a opté pour une peine mitoyenne interdisant au tireur de la grande mosquée de Québec de sortir du pénitencier avant 40 ans.

Dans sa réflexion, le magistrat a considéré qu’il serait démesuré et inhumain de cumuler les peines pour les six meurtres commis lors de la fusillade survenue le 29 janvier 2017. Il a plutôt décidé de ne pas recourir aux nouvelles dispositions du Code criminel (article 745,51), qui aurait pu faire en sorte que l’accusé ne puisse avoir droit à une libération conditionnelle de son vivant.

Condamné à la détention à perpétuité, Bissonnette pourra donc espérer un jour recouvrer sa liberté. Pour cela, il faudra toutefois que la Commission des libérations conditionnelles confirme qu’il ne représente plus une menace pour la société. Chose qui ne pourra être évaluée qu’après un minimum de 40 ans de pénitencier, alors que le prévenu âgé de 29 ans aura atteint 67 ans (en considérant ses deux ans de détention depuis son arrestation).

Au terme d’une longue lecture de sa décision étoffée sur plus de 240 pages, le magistrat a conclu au bout de six heures qu’une peine juste et proportionnée à l’ampleur du crime ne pouvait être supérieure à l’espérance de vie du contrevenant. Il ne pouvait donc avaliser la suggestion de la Couronne d’opter pour des peines de meurtre consécutives plutôt que concurrentes, comme le veut la norme dans la justice canadienne.

Pas de réhabilitation sans espoir

«La justice extrême est extrême injustice», a souligné le juge Huot en soupesant longuement la jurisprudence et l’expérience des cours de plusieurs États de droit à travers le monde. «Le Canada possède son propre système de valeurs et il est du devoir de l’appareil judiciaire de le préserver», a-t-il ajouté.

À ses yeux, imposer 150 ans avant toute possibilité de libération conditionnelle aurait équivalu à condamner le prévenu à une peine de mort par détention. «Dans les circonstances, note le magistrat, la réhabilitation devient impossible en l’absence de tout espoir. Ce qui est contraire aux principes utilitaristes et annihile toute réinsertion sociale éventuelle. Mieux vaut une peine qui ajoute une pierre au rempart contre la haine et le racisme.»

Devant un crime aussi horrible et planifié, bien que le jugement écarte la thèse du terrorisme, le juge Huot a évalué que la période acceptable d’inadmissibilité à la liberté conditionnelle devait se situer entre 35 et 42 ans. Il s’est permis d’interpréter de façon large l’article 145,51 pour proposer un terme de 40 ans avant que Bissonnette puisse espérer quitter sa cellule.

L’accusé a écouté nerveusement la longue lecture du juge Huot en se tournant régulièrement vers la salle pour regarder ses avocats et ses parents. Autant la Défense que la Couronne ont accepté la décision du Tribunal, en précisant devoir prendre le temps d’analyser les possibilités de faire appel.

Facteurs aggravants considérés par le juge

  • Prémiditation et planification du crime
  • Nombreuses victimes (6 morts, 6 blessés graves et 40 survivants)
  • Endroit de l’infraction, soit dans un lieu de culte où on doit se sentir en sécurité
  • Vulnérabilité des victimes (dont deux achevées d’une balle à la tête)
  • Jeune âge de quatre victimes (enfants) visées
  • Degré de violence et de gratuité du crime
  • Motivations du crime basées sur des préjugés (race, religion, origines)
  • Séquelles physiques et psychologiques des victimes survivantes
  • Séquelles subies par les proches et la société en général

Facteurs atténuants considérés par le juge

  • Absence d’antécédents judiciaires du prévenu
  • Collaboration avec la police dès sa fuite des lieux du crime
  • Plaidoyer de culpabilité aux 12 chefs d’accusation évitant un long procès
  • Remords exprimés
  • Vulnérabilité de l’accusé qui a subi de l’intimidation et du rejet à l’école
  • Troubles mentaux lors des événements démontrés par des experts en preuve
  • Soutien familial indéfectible
  • Perspectives de réhabilitation et risque modéré de récidive

Le maire de Québec satisfait et soulagé

« Mes pensées ainsi que celles des membres du conseil municipal de la Ville de Québec vont vers les familles des victimes de ce drame. Je souhaite que ce verdict leur permette de faire leur deuil et qu’ils puissent poursuivre sereinement la commémoration de leurs proches disparus. Je pense également aux parents d’Alexandre Bissonnette, des victimes collatérales dans cette histoire, à qui je souhaite de recouvrer une certaine paix », a déclaré M. Labeaume.

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