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COVID-19 : gare aux fraudeurs!

Lorsque les frais augmentent, la majorité des entreprises agroalimentaires s’ajustent sans vouloir léser le consommateur. Les pratiques commerciales sûres, équitables et durables représentent toujours une priorité pour le secteur. Mais on remarque des exceptions. Certains experts en sciences alimentaires estiment que la COVID-19 entraîne immanquablement une augmentation de la fraude. Le Food Authenticity Network Advisory Board s’est réuni plus tôt ce mois-ci et, compte tenu de la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales causée par la COVID-19 et de la diminution du niveau de surveillance, une augmentation du nombre de cas de fraude alimentaire devient plus que probable, selon le groupe.

Déjà, on rapporte certains cas à travers le monde. Plusieurs colis contenant des produits alimentaires contrefaits ont été saisis, selon ce que rapporte une récente enquête menée au sein de l’Union européenne. Les colis provenaient du Brésil, de Chine et de Hong Kong, d’Allemagne, de Suède et de Grande-Bretagne. Substitution d’ingrédients, contrefaçon, étiquetage erronée, la plupart des cas classiques de fraude en faisaient partie.

« En raison des nouvelles mesures sanitaires et de la distanciation physique, tout coûte plus cher au sein de la filière agroalimentaire. Les entreprises doivent s’ajuster, mais certaines luttent déjà pour leur survie et pourraient se laisser tenter à tourner les coins ronds. C’est à ce moment-là que le consommateur doit montrer plus de vigilance. »

Distanciation physique, mesures sanitaires sans précédent, la chaîne alimentaire tourne au ralenti depuis le début de la pandémie afin de protéger les travailleurs. De la ferme à la table, chaque entreprise qui participe à la chaîne alimentaire pour nous nourrir a vu une hausse de ses coûts d’exploitation. C’est essentiellement pour cette raison que les prix augmenteront. Mais certaines entreprises, une minorité à vrai dire, tenteront de demeurer compétitives en défiant des règles bien établies. Nous savons déjà qu’il y a des pénuries dans certaines régions du monde, ce qui entraîne une pression supplémentaire sur les fournisseurs pour offrir des produits à leurs clients en amont de la chaîne. Par conséquent, il faut s’attendre à une augmentation des fraudes commises dans le but de conserver des clients existants ou même en gagner des nouveaux, en fournissant des biens qui deviennent plus rares sur le marché.

En effet, chaque récession apporte son lot de malfaiteurs motivés par le désir de gains économiques et la fraude alimentaire n’y échappe pas. La COVID-19 leur procure un scénario idéal, étant donné que la majorité des régions du monde subissent des ralentissements économiques extrêmes. Les entreprises se laissent parfois tenter de prendre des raccourcis ou de fermer les yeux sur des gestes qui ne semblent pas tout à fait honnêtes, au moment d’acheter des aliments et des ingrédients.

Un contexte idéal pour les fraudeurs, puisque plusieurs consommateurs éprouvés financièrement par l’économie chancelante deviendront des chasseurs d’aubaines à temps plein. Comme l’achat local devient plus populaire que jamais, le nombre de produits dont la provenance a été falsifiée pourrait aussi augmenter. Les consommateurs doivent poser les bonnes questions et surveiller les prix. Si le prix est trop bas, il faut se poser des questions. Par exemple, on peut demander au détaillant si leurs fournisseurs ont été sujets à des vérifications récemment, depuis le début de la pandémie. Les vérifications et les audits se font de manière routinière en temps normal, mais la pandémie a possiblement perturbé l’horaire de plusieurs entreprises.

Parmi les catégories de produits le plus souvent affectés par la fraude alimentaire lorsque le marché se contracte, on retrouve les huiles, les poissons, fruits de mer, les produits à base de poisson et de viande ainsi que les épices et les liquides. Lors d’une crise économique, le miel, les jus de fruits et produits alimentaires biologiques se voient aussi souvent ciblés par la fraude. Il faut donc avoir l’œil averti et devenir plus vigilant. Lorsque plane un soupçon lié à la salubrité ou l’étiquetage d’un aliment, il ne faut pas hésiter à signaler l’incident auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments qui profite maintenant d’un budget généreux pour lutter contre la fraude.

Finalement, sans baigner dans l’illégalité, la réduction de la quantité vendue par article sans changer le prix constitue un autre phénomène à surveiller. Bien connue sous le nom de « shrinkflation », cette stratégie s’utilise pour diminuer la quantité ou le volume de plusieurs produits, sans que leur prix change. Par exemple, au lieu d’obtenir 500 grammes d’un aliment, l’emballage contient dorénavant 400 grammes, sans que le prix diminue. Il y a une recrudescence de cas lorsque les coûts des entreprises augmentent.

La fraude alimentaire existe depuis des millénaires, ce n’est pas nouveau. Avec de meilleures technologies de détection et des pratiques de surveillance accrues, nous sommes en mesure de mieux nous protéger. Les gouvernements restent aux aguets et en tant que consommateur, il faut l’être aussi.

 

Dr. Sylvain Charlebois, professeur titulaire, directeur principal, Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire, Université Dalhousie

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