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Tribune libre: Notre adversaire, c’est le mépris

Ce n’est pas de gaieté de cœur que nous avons décidé de nous mettre en grève au Manoir Sully, un centre d’hébergement pour aîné-es de Québec. Après des jours et des jours de négociations infructueuses, malgré notre ouverture aux compromis, c’est le seul moyen qu’il nous reste afin d’amener notre employeur à négocier sérieusement.

Notre principale revendication ? Une augmentation de salaire qui le portera à 13,20 $ l’heure à l’horizon 2018, pour les plus bas salarié-es qui prennent soin tous les jours des personnes âgées. Qui peut prétendre sérieusement que nous exagérons ?

 

Ici, les aîné-es, c’est notre vie ! Nous les connaissons tous par leur nom. Chaque jour, nous multiplions les petites attentions, les petits gestes, pour qu’ils se sentent tous bien dans leur grande maison. Cette préoccupation constante, cette passion pour l’humain nous animent constamment… même en grève, alors que nous avons établi, avec une grande minutie, une liste de tâches que nous pouvons cesser de faire pour une certaine période, tâches auxquelles notre employeur et ses cadres peuvent pallier, sans que cela ne porte atteinte à la santé, à la sécurité et à la dignité des personnes avec qui nous passons la plus grande partie de notre vie. C’est ce que nous avons fait lors de grèves sporadiques, tenues depuis novembre 2016.

 

Nous avons donc été profondément choqués lorsque, le 8 mars, le Tribunal administratif du travail (TAT) a déclaré insuffisante notre liste de services essentiels dans le cadre, cette fois, d’une grève générale illimitée. Toutes nos journées de grève précédentes se sont déroulées de façon exemplaire. Rien ne permettait, selon nous, de conclure, comme l’a fait le tribunal, que notre stratégie de grève « laisse paraître un manque de préoccupations à l’endroit des résidents ». Pour nous, c’est bien plus un employeur inflexible, et ses représentants, comme Marc-André Boivin, qui provoquent sans cesse les employé-es, qui font preuve d’un manque flagrant de considération à l’égard des personnes dont nous prenons soin au quotidien.

 

D’ailleurs, faut-il souligner que cette liste de services essentiels, jugée insuffisante par le tribunal, avait été préalablement négociée avec l’employeur, en conciliation ? C’est notre droit de grève, notre droit de nous faire entendre qui s’en trouve bafoué. Nous sommes en quelque sorte pris au piège : le seul moyen que nous consent l’État pour obtenir une juste reconnaissance, c’est d’exercer un rapport de forces. Mais le tribunal, par l’application qu’il fait des lois, restreint tellement notre droit de grève que nous ne pouvons pas exercer pleinement notre rapport de forces.

 

Ainsi, du 26 au 28 mars, nous exercerons de nouveau une grève de durée limitée de 52 heures. Pour l’occasion, nous avons invité la juge qui a refusé de déclarer suffisante l’entente sur les services essentiels dont nous avions convenu avec l’employeur, à venir voir sur place à quel point nous nous préoccupons constamment du bien-être de nos résidents – même en grève ! Ce que nous espérons encore plus que tout, c’est de pouvoir mettre ce conflit de travail derrière nous, en concluant une entente satisfaisante pour renouveler notre convention collective. Mais nous sommes mûrs, collectivement, pour nous poser la question : est-il acceptable que nos tribunaux limitent notre droit de grève au-delà des impératifs évidents de santé et de sécurité ?

 

Les représentants syndicaux locaux des travailleuses et travailleurs du Manoir Sully

 

Lucie Begin , Raphaëlle Duplin , Lise Gravel, Marcel Leboeuf 

 

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