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Souldia, la lumière après un séjour à l’ombre

À 33 ans, Kevin Saint-Laurent, mieux connu sous le nom de Souldia, admet avoir pris beaucoup de maturité depuis sa sortie de prison en 2011. Rencontre avec un homme qui priorise dorénavant ses vies de père, conjoint, musicien et ami. 

Tel un livre ouvert, Kevin Saint-Laurent parle de son passé pour contribuer au futur des jeunes qui s’identifient à lui

Photo gracieuseté – Olivier Robitaille

Kevin venait à peine de renouer avec sa liberté qu’il est tombé sur Patrick Marier, le cofondateur et président d’Explicit, à la fois une maison de disques et une ligne de vêtements. Ce dernier lui a donné le choix de faire de la musique sérieusement avec lui, en menant une vie plus rangée, ou de renouer avec sa vie de criminel dans la rue, mais M. Marier n’allait l’aider d’aucune façon.

«Être un rappeur, c’était mon rêve de gamin, mais je suis rendu plus loin que ça. Explicit me permet d’avoir les moyens de mes ambitions. Quand j’ai une idée, je peux la réaliser.»

L’automne prochain, Souldia sortira son sixième album intitulé Survivant. Une imposante tournée suivra, au Québec et même en Europe. «Je ne peux pas trop en parler pour l’instant, mais j’ai tourné un vidéoclip avec un artiste français très connu. Ça va être gros», promet-il.

Un livre ouvert

Quand il ne travaille pas sur sa carrière musicale, Kevin Saint-Laurent veut passer le plus de temps possible avec son fils Milan, âgé d’un an, Anne, sa douce moitié et la fille de celle-ci.

Souldia, photographié dans son studio, au terme d’une généreuse entrevue d’une heure accordée au représentant de Métro Média.

Photo Métro Média – Charles Lalande

Il admet que la paternité a aidé à l’assagir, mais il précise avoir pris une bonne dose de maturité bien avant cela. Sur une vidéo récemment publiée sur sa chaîne YouTube, un internaute a souligné qu’au fil des années, le rappeur était passé par toute la gamme des émotions et des styles de vie et que les chansons ont évolué. L’homme aussi. «Il a visé juste», lance le principal intéressé.

Son ancienne vie a parfois nui à sa carrière musicale. Des propriétaires de salles de spectacle étaient récalcitrants de l’accueillir dans leurs murs, sachant que des policiers allaient veiller au grain. Lentement, mais sûrement, il a toutefois l’impression que les perceptions sont en train de changer.

Souldia aime donner du temps à ses fans, que ce soit après ses représentations, lorsqu’il les croise dans la rue ou sur les médias sociaux. Il se reconnaît dans plusieurs jeunes. «Avec eux, je veux être un livre ouvert. Je les écoute. Je fais attention aux conseils que je donne, parce que je ne suis pas parfait, j’ai moi-même galéré de toutes les façons, mais je veux tenir les jeunes loin de la prison», confie celui qui a écouté d’innombrables témoignages.

Enfance, prison

Son père Réjean est décédé dans sa cellule en février 2011 à l’âge de 45 ans après avoir consommé «un mélange de substances». Avant cela, fiston avait vu son paternel faire de nombreux aller-retour derrière les barreaux.

La prison, Kevin Saint-Laurent l’a lui-même fréquentée. En 2009, il avait été arrêté pour possession d’un pistolet prohibé et chargé. Il avait plaidé coupable, se défendant bec et ongles que le soir de son arrestation, il ne cherchait pas à s’en prendre à autrui, mais bien à se «protéger 24/7», comme son mode de vie l’obligeait. Il a purgé 28 mois (sur une sentence de 36) pour cela.

Sa participation à une émeute lui a ajouté deux autres mois. «La fumée m’a asphyxié, les lumières se sont fermées. Je me suis réveillé à l’hôpital cinq heures plus tard. À mon retour en dedans, j’ai été envoyé dans le trou trois semaines. J’étais tellement en colère contre le système», se rappelle celui qui arbore une kyrielle de tatouages sur son corps.

Ultérieurement, il a appris qu’un gardien avait risqué son emploi et sa vie pour le sauver. «Il a reçu l’ordre de ne pas rentrer, mais il est quand même venu me sauver. Je l’ai d’ailleurs recroisé dans la rue quelque temps après, et j’ai pu le remercier. Je suis chanceux d’être en vie.»

La fin de Facekché

De gauche à droite: Philippe «Infrank», Kevin «Souldia» Saint-Laurent et Christian «Die-On» Dionne.

Ensemble, ils formaient Facekché.

Photo tirée de Facebook

Les aléas de la vie ont fait en sorte que Kevin «Souldia» Saint-Laurent a été contraint de fermer un important chapitre de sa vie personnelle et professionnelle.

À 14 ans, il avait rencontré Philippe «Infrak» Giroux. Un pied dans la rue, l’autre dans les centres jeunesse, les deux adolescents deviennent rapidement de meilleurs amis. Adorant écrire des textes, ils se sont finalement décidé à les rapper en fondant Mafia 03. Puis, en cours de route, Christian «Die-On» Dionne s’est joint au duo, rebaptisant le groupe sous le nom de Facekché.

Au cours des dernières années, Souldia n’a eu d’autre choix que de «tourner la page» sur ce long chapitre de sa vie. Infrak est décédé subitement dans son sommeil en novembre 2017. Encore aujourd’hui, il est envahi par l’émotion quand il parle de son «grand frère, protecteur et meilleur ami».

«Au-delà de la musique, on a traversé tellement de choses ensemble. Sa présence me donnait beaucoup d’assurance. On a vécu de bons moments que je n’oublierai jamais. Sa mort m’a littéralement tranché en deux, mais je sais qu’il est encore là avec moi. Quand je suis sur scène, je le sens près de moi et je pense à lui.»

De son côté, Die-On est en cavale dans un pays chaud depuis bientôt trois ans. Sous mandat d’arrestation, il prévoit rentrer au pays pour purger sa peine. Kevin Saint-Laurent s’ennuie de celui qu’il considère comme l’un de ses frères. «Un autre gros morceau qui manque à ma vie. Chaque jour, je croise les doigts pour ne pas recevoir un appel m’informant qu’il a été retrouvé dans un sac de poubelles. J’aimerais lui dire de rentrer, de faire son temps et qu’après ça, la vie ne sera pas finie», dit-il, en espérant que son pote ait l’occasion de lire ces lignes.

Avant de clore l’entrevue, Souldia se permet même de rêver. «Au retour de Die-On, on pourrait créer la deuxième version de Facekché et lancer des albums souvenirs avec des chansons inédites», a-t-il soufflé, sachant qu’il y a plusieurs étapes à franchir avant d’en arriver à celle-ci.

Son passé et ses tatouages attirent les jugements, mais Souldia jure qu’avec lui, «ils ne durent pas très longtemps quand on prend le temps de me connaître».

Photo gracieuseté – Olivier Robitaille

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