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Manœuvrer dans un marché immobilier en ébullition

En raison de la hausse des prix et de la baisse d’inventaire, l’accès à la propriété se fait de plus en plus via la formule de la copropriété. /Photo Métro Média – Archives Photo:

HABITATION. Pour les acteurs de l’industrie du courtage comme pour les propriétaires résidentiels, l’actuelle effervescence du marché immobilier constitue une excellente nouvelle. À l’inverse, pour les accédants à une première demeure, la situation comporte plusieurs défis. En effet, il est particulièrement difficile de réaliser ce rêve légitime, lorsque les prix explosent et que l’inventaire s’amenuise.

Deux chiffres suffisent à illustrer la réalité qui sévit à la grandeur de la province, malgré ou à la faveur de l’actuelle pandémie. D’abord, le prix de revente médian d’une maison au Québec a bondi de 27% en un an. Il est ainsi passé de 280 000$ à 355 000$ entre les printemps 2020 et 2021. Les acquéreurs doivent donc avoir les poches plus profondes pour déposer une mise de fonds. Ensuite, le nombre de transactions a crû de 38% au cours des 12 derniers mois. Ce record occulte le fait que le choix diminue, ce qui maintient la pression sur les prix en raison de l’effet de rareté.

«Au lieu de favoriser un repli, la pandémie semble avoir créé un effet contre-intuitif sur le marché immobilier. Une série de facteurs se sont plutôt conjugués pour contribuer à son essor. De fait, les taux d’intérêt sont à des niveaux plancher. Le confinement a fait grimper l’épargne des ménages limités dans leurs dépenses de loisirs. Les prestations gouvernementales ont préservé les revenus disponibles. Enfin, le télétravail a induit des changements dans les comportements et les priorités des ménages», énumère Charles Brant, directeur de l’analyse de marché à l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec (APCIQ).

Accès via le condo

Dans les circonstances, il n’est pas évident pour les petits épargnants de se tailler une place. «Il n’y a pas de miracle à espérer dans un marché très favorable aux vendeurs. Les jeunes ménages sont un peu pris au piège. S’ils achètent dans l’immédiat, ils doivent débourser davantage. S’ils attendent, ils risquent de devoir payer plus cher plus tard. Le marché progresse par paliers, mais il est rare que les valeurs baissent. Une option encore plus répandue en raison du boum consiste à accéder à la propriété par la copropriété. C’est devenu la porte d’entrée, en attendant de transiter vers la maison pour élever une famille», observe François Des Rosiers, professeur titulaire au Département de finance, assurance et immobilier de l’Université Laval.

Ce dernier souligne au passage l’exposition au danger, à moyen terme, que la demande chute et que les prix stagnent, tandis que les taux d’intérêt finiront par grimper. Attendue pour 2023, cette augmentation est désormais anticipée à la mi-2022, justement pour contrer le phénomène de bulle immobilière. Les ménages plus fragiles aux aléas de l’économie ou ayant des revenus précaires pourraient alors éprouver des difficultés à rembourser leur hypothèque. «D’où l’importance, renchérit M. Brant, de cibler les propriétés existantes à proximité des services et bien desservies par le transport en commun. Elles offrent un meilleur potentiel de prise de valeur et d’attrait pour une éventuelle revente».

Coups de pouce disponibles

Assurément, la maison neuve pourrait contribuer à bonifier l’offre. Cependant, les terrains se raréfient au centre-ville et dans les premières couronnes de banlieue. De plus, entre le premier trimestre 2020 et celui de 2021, le prix pour une même demeure a crû de 5000$ uniquement à cause de la flambée du coût des matériaux. Ce qui rend ce choix davantage accessible aux acquéreurs expérimentés, à la recherche d’un toit plus grand pour combler les besoins familiaux. Cette réalité a néanmoins le mérite de libérer des propriétés existantes, pour accroître l’inventaire au profit des accédants.

Il importe de rappeler qu’à part le Régime d’accession à la propriété (RAP), mesure fédérale permettant de puiser dans ses REER pour déposer une première mise de fonds, plusieurs autres options sont offertes. Paul Cardinal, directeur des services économiques à l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), inventorie succinctement les principales:

  • Crédits d’impôt combinés (fédéral/provincial) jusqu’à 1375$, permettant à tout le moins de payer les frais d’inspection;
  • Incitatif à l’achat d’une première propriété représentant un prêt de 10% en seconde hypothèque, remboursable sur la plus-value à la revente;
  • Remboursement de TPS et TVQ sur une maison neuve applicable sur une valeur maximale de 300 000$;
  • Aide jusqu’à 4000$ aux premiers acheteurs optant pour une Maison Novoclimat;
  • Programmes ciblés comme «Accès Condos SHDM» à Montréal (jusqu’à 10% du prêt) et «Accès Famille» à Québec (jusqu’à 5,5% du prêt).

De l’avis de M. Cardinal, plusieurs de ces initiatives gagneraient à être bonifiées. Il cite en exemple que «la limite du remboursement de taxes commence à être faible sur une valeur de 300 000$ et devrait être indexée comme ailleurs au pays à 450 000$ voire abolie. Aussi, le RAP pourrait s’ouvrir au soutien intergénérationnel, alors que l’épargne n’a jamais été aussi disponible. L’APCHQ pousse également pour que le fédéral plafonne l’endettement total au lieu de limiter la mise de fonds et que le provincial s’arrime à l’Ontario en remboursant les droits de mutation (taxe de bienvenue)».

Autant d’éléments qui amplifieraient la marge de manœuvre des nouveaux acquéreurs. «Reste à voir si cela s’avère opportun lorsque l’effet d’anticipation alimente la spirale inflationniste et spéculative», s’interroge François Des Rosiers. «D’autant plus que le gouvernement s’inquiète de la situation et envisage de refroidir le marché résidentiel par des exigences plus restrictives. Cela aura pour effet de compliquer l’accès au crédit hypothécaire», termine Charles Brant.

Québec Hebdo

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